Auteur de contes et d’une biographie de collecteur de contes landais (Félix Arnaudin, tel qu’en lui-même), il m’a paru intéressant d’adapter les contes de Charles Perrault qui n’a connu ni les psychiatres, ni l’a.d.n, ni les contrôles fiscaux ou les juges aux affaires matrimoniales, ni le S.a.m.u. ou l’hôpital, ni même la sécurité sociale…

Jean Cocteau nous dit préférer les contes à l’histoire parce que tous les conteurs disent le même conte de la même façon, tandis que les historiens divergent entre eux, même s’ils parlent du même personnage ou de la même époque. Ce n’est pas tout à fait exact. A moins qu’il veuille présenter une œuvre littéraire par son style, sa sensibilité, sa langue, ou son époque, le conteur adapte toujours le conte à son auditoire. Si Charles Perrault vivait de nos jours, il profiterait de toutes les données modernes sans oublier qu’il est un conteur, qu’il doit se plier à la trame des contes qui sont des «récits fabuleux ou plaisants». (Dictionnaire de l’Académie, 1792)

Extrait de Et si Perrault… contes pour aujourd’hui par Charles Daney

«Le coma de la Belle au Bois dormant»

«Dès qu’il eut réveillé la Princesse au hasard d’une de ses chasses, qui l’avait amené dans un fourré jamais exploré, le Prince, homme plein de préjugés, appela le S.A.M.U. La Princesse fut transportée à l’hôpital voisin qu’on savait équipé de salles de réveil performantes. Le Prince n’aurait voulu pour rien au monde laisser une seconde de plus une jeune femme malade, affaiblie, ravissante, dans ce vieux château humide, non chauffé depuis cent ans, plein de rats et d’insectes de toutes sortes, de serviteurs pouilleux qui ne s’étaient pas rasés depuis au moins un siècle et de servantes graisseuses endormies les mains dans le pot de saindoux qui avait pris le temps de rancir, depuis l’époque lointaine où la jeune fille sombrait dans le coma.»

«Le contrôle fiscal de Cendrillon»

«Quand elle ouvrit la porte pour répondre au coup de sonnette impératif qui la tirait de son profond sommeil, censé réparer les désordres d’une longue nuit, Cendrillon ne s’attendait pas à se trouver en face d’un inspecteur du fisc.

Les gabelous ont toujours inquiété dans les campagnes mais Cendrillon se sentait, ce matin là, le cœur léger et l’âme sereine. Sa mère et ses deux sœurs faisant à leur habitude la grasse matinée, c’est elle qui reçut l’étranger en l’installant fort courtoisement devant la grande table de la cuisine. Elle lui offrit à boire, ce qu’il refusa. Elle ignorait, ayant toujours été soumise à un état de dépendance, qu’il y avait dans le fait d’offrir à boire, un délit de prévarication. L’inspecteur ne tint d’ailleurs aucun compte de cette corruption naïve. Peut-être parce qu’il avait été tenté par le pichet de vin trônant sur la table.

Cendrillon n’était pas inquiète par nature mais le ton renfrogné du contrôleur commençait à la troubler. Elle le fut tout à fait quand il lui demanda tout de go, quelles étaient ses ressources. Elle dut avouer qu’elle n’en avait jamais eu, ayant toujours aidé sa mère et ses sœurs contre une place au coin de l’âtre et une paillasse dans le grenier.»

Avec mes remerciements, chaleureusement.

Charles Daney