” Il y avait aussi Diego, le fils aîné d’Almondara, son ami depuis toujours, qui connaissait son envie d’autre chose. C’était un adolescent plutôt grand, avec une carrure et surtout des reins solides qui lui donnaient une force impressionnante. Ses cheveux châtains bouclés lui donnaient un air angélique, qui contrastait avec le bleu acier de ses yeux où perçait la force de sa détermination. La jeune fille s’en protégeait et pourtant, elle sentait toujours une chaleur étrange et une fébrilité gênante l’envahir dès qu’il était près d’elle.
— Bonjour Dieg, lança gaiement la jeune fille.
Gauchement, il s’avança vers elle, mit un bras autour de sa taille et l’embrassa sur la joue comme quand ils étaient enfants. Pourtant, ce jour-là, rien ne semblait comme avant. Leur fou rire avait détendu l’atmosphère, mais cette embrassade n’avait pas été naturelle. Diego n’avait rien voulu changer, il s’était forcé à ce chaste baiser, mais ce contact avait été douloureux. Du haut de ses treize ans, il ressentait une attirance folle pour son amie d’enfance, et être à ses côtés sans pouvoir, comme dans ses rêves, la prendre dans ses bras et l’embrasser fougueusement était un supplice. En garçon mûr et raisonnable, il ne montra pas son trouble et répondit à son amie en souriant.
— Bonjour Zaza. J’ai un cadeau pour toi aujourd’hui et j’avais peur de ne pas te trouver.
Isabel aussi avait ressenti cet étrange trouble quand Diego avait passé son bras autour de sa taille. Un frisson léger avait même parcouru sa colonne vertébrale, mais heureusement, son ami ne semblait pas l’avoir senti. Elle se força elle aussi à se comporter normalement et le questionna avec intérêt.
— Oh ! Un cadeau pour moi. Vite, dis-moi ce que c’est ?
— C’est un petit objet que je veux t’offrir pour que tu penses à moi quand tu seras partie.
— Mais, comment sais-tu déjà ? Je voulais t’en parler aujourd’hui justement et toi tu es déjà au courant !
— Ne te fâche pas. J’ai entendu Carlina en parler à ma mère.
— Je ne suis pas fâchée, mais j’ai beaucoup de peine car tu vas me manquer.
— Moi aussi je t’aime très fort et je te fais une promesse aujourd’hui. Il sortit de sa poche un petit paquet qu’il tendit à la jeune fille.
— Oh Dieg ! Moi aussi je ressens la même chose. Je ne suis pas heureuse quand je ne te vois pas pendant quelques jours.
— Alors faisons en sorte de ne jamais nous quitter, répondit le jeune garçon en souriant.
— Mais, tu sais bien que ce n’est pas possible ! Une fille de paysans n’épouse pas quelqu’un de ton rang. Tes parents n’accepteront jamais une fille comme moi. Tu es destiné à reprendre le domaine, à te marier avec une riche et belle aristocrate qui te donnera un fils pour te succéder.
— Ce sera à moi de décider quand je serai adulte, et mon père pourra toujours essayer de m’empêcher de vivre comme je l’entends. Je t’ai fait cette promesse et je la tiendrai quoi qu’il en dise et quoi qu’il m’en coûte. Je me fiche de son héritage et de son titre. Est-ce que tu seras prête à me suivre malgré les difficultés ?
Diego présenta l’objet de son présent à Zaza.
— C’est magnifique Dieg ! Tu l’as fabriqué à mon intention ? Je, je… Une larme de joie coula sur sa joue. Étranglée par l’émotion, elle ne put continuer. Diego prit ses mains dans les siennes.
— Oui, ce sera notre secret et j’aimerais que tu le portes jusqu’à ce qu’on se retrouve et que notre rêve devienne réalité.
— Je te le promets.
Il la prit dans ses bras. Ce premier contact, la chaleur de leurs corps, les fit frissonner. Leurs gestes d’enfants étaient timides. Il était plus grand qu’elle et, pour qu’il puisse l’embrasser, elle dut se grandir sur la pointe des pieds. Cette rapide étreinte et ce chaste baiser scellèrent leurs promesses réciproques. “