Il était une fois une femme à la lisière de sa vie, pour elle est venu le temps de se mettre en congé des autres pour ne se consacrer qu’à elle.
Il était une fois une maison dans la solitude, le silence et dans l’obscurité, pour elle est venue le temps d’ouvrir ses volets.
Elle n’est pas forcément son genre, pourtant, elle est faite pour elle.
Deux âmes, deux solitudes, jusqu’à la rencontre.
Le journal de Jeanne, c’est les silences avant les ténèbres et les orages, les murmures et les regards muets, le parfum des ombres…
Le temps d’une lecture, la maison sera le prédateur qui attend sa prochaine proie, impatient de la dépecer, ou le cadre qui épanouira une femme comme une fleur sous le soleil et la pluie après une longue privation de lumière et d’eau.
Ce livre c’est un hommage à ma maison de Lacanau.
Sans elle, il n’y aurait pas eu l’écrivaine.
Sans elle, il n’y aurait pas eu Jeanne.
Sans elle, il n’y aurait pas eu le journal.
Sans elle, il n’y aurait pas ce livre !
La villa thé au salon, c’est une maison certes… mais avec une âme !
Et quelle âme…
Au départ, ce qui devait être un recueil de nouvelles s’est transformé à mon insu en roman, comme Alice vous devrez tomber dans le trou pour me suivre.

Extrait

– L’écrivain

La nuit a été bousculée, mon sommeil n’a pas été paisible. Un souffle froid, une caresse sur la joue. La sensation d’une présence, comme si on me secouait en douceur, de façon bienveillante pour me réveiller. Et puis, il y a les moments de panique, comme dans le grenier, où je ne m’appartiens plus, avec le sentiment affreux de ne plus être moi-même, de ne plus rien décider. Comme si j’étais enfermée dans un cauchemar quand il n’y a pas de porte ni de fenêtre pour m’évader. Prisonnière, on me bouscule, on me malmène, de toutes mes forces, je tente de me réveiller et n’y arrive pas. Tout ça fait partie de mon quotidien, je pourrai même dire de mon A.D.N, ça peut paraître étrange, mais je m’y suis habituée. Je me sens épuisée, beaucoup trop fatiguée pour envisager d’écrire.

Je décide donc de me préparer un thé léger et de continuer le journal de Jeanne. Après m’être confortablement installée dans le salon, je regarde par les carreaux éclaboussés de pluie, il n’y a personne dans la rue. Mon esprit à d’autres préoccupations, commencer ma lecture là où je l’avais laissée. À peine quelques lignes que mon cœur se serre. Quelle poésie. Quelle tristesse se devine à travers les mots de Jeanne. C’est une écriture maladroite, à vif. C’est brouillon, presque pas de date, pas de titre non plus. Les époques ne se suivent pas toujours. Je me pose quantité de questions.

La vie de Jeanne est complexe, elle m’apparaît malgré tout comme un livre ouvert et son contenu me prend complètement au dépourvu. Je lève le nez. Je me sens imprégnée d’une odeur. L’odeur du renfermé et de l’humidité, de la naphtaline. L’odeur qui règne dans le grenier. Bizarre, cette odeur me rappelle quelque chose ou quelqu’un.

Je commence la lecture.