Synopsis

©National Gallery of Art, Washington, États-Unis.

Les contrariétés refoulées de l’existence rencontrent les lignes de conduite résolument vertueuses des deux principaux personnages – Jonas et Tréhor – au moment de leur isolement dans une cave. Leur moralité respective est mise à l’épreuve de leur confrontation à venir, visant à ponctuer une guerre fratricide. Jouets du destin et de la respectée figure du Sage, les deux hommes semblent pris au piège d’un processus de paix dont la réunification d’un peuple et son avenir radieux paraissent les seules résultantes. Mérédice, une entremetteuse, se charge avec zèle de leur rappeler le poids de cette charge honorable, pesant sur eux comme un devoir transcendant leur personne, jusqu’à leur identité.

L’honneur, la survie, la manipulation et les faux-semblants sont le bagage des personnages placés dans un tunnel d’ombres à l’odeur oppressante de mort. Chacun entrevoit tour à tour la lumière libératrice vers ce qui mène à l’apothéose : celle d’une vie glorieuse ou d’une mort exemplaire pour l’un, celle du choix libérateur entre la vérité et la fuite pour l’autre… à moins que les forces perpétuelles de l’improbable soient à l’œuvre, trop écrasantes face aux destinées.

Personnages principaux

Collection des musées de Poitiers ©Musées de Poitiers/Christian Vignaud.

Jonas : avant tout patriote ayant une haute idée de l’incarnation et du sacrifice. C’est un militaire en fin de carrière qui a éprouvé la verticalité du pouvoir. Ses certitudes sont questionnées par sa rencontre avec Tréhor.

Tréhor : aventurier doté d’une vision simple – presque naturaliste – des choses de l’existence. Pris comme un chien dans un jeu de quilles, il ne sait pas qu’elle fuite choisir entre celle offerte par la vérité, et la mort qui semble le harceler. Ne faisant aucun cas de l’honneur, il apprend à reconsidérer sa propre moralité au contact de Jonas.

Mérédice : entremetteuse et détestable manipulatrice. Elle paraît aimer davantage les jeux du pouvoir que son exercice. C’est elle qui décide en vérité, dans l’ombre du Sage, sans que son nom ne soit jamais divulgué.

Le soldat : entièrement dévoué à Mérédice. Il est son seul complice et accepte tous ses ordres sans broncher. Bien que très effacé, son rôle attirera quelques curiosités dans le final.

Questionnements

A bien vouloir s’attarder sur le texte et à le faire connaître, le lecteur participera à faire prospérer une réflexion sur le pouvoir d’action individuel et collectif face à la confiscation du pouvoir ; la volonté d’agir questionnée par le bien commun et la moralité individuelle ; les chemins menant à la concrétisation de l’inéluctable face aux caprices du destin. Résolument moderne, disions-nous.

Extrait de la pièce de théâtre Les Ivrognes

JONAS – Quelle femme !
TRÉHOR – Avez-vous vu une femme ? J’ai cru apercevoir une harpie dont le calme glacial des paroles égalait la férocité crue de son être
JONAS – Une vision proche de l’effroi que j’ai pu ressentir lorsqu’elle m’a souri. On dit que le sourire d’une personne révèle son âme. Je n’ai rien vu.
TRÉHOR – Parce qu’il n’y a rien à voir. Certaines personnes ont l’âme vide. Elle, semble en être dépourvue.
JONAS – Peu importe. La voilà partie, ainsi que son larbin.
TRÉHOR – Ce que vous souhaitiez.
JONAS – Il est vrai. Vous allez pouvoir prolonger votre réflexion sur la fraternité, mon ami. J’ai senti que vous ne m’aviez pas dévoilé le fond de votre pensée. A coup sûr vous possédez une âme. Je la distingue sans difficulté en vous regardant, tellement elle paraît vous encombrer. Je vous propose de vous soulager avant qu’il ne soit trop tard. Allons ! L’un de nous sera mort ce soir.
TRÉHOR – Je reconnais votre perspicacité. Il y a bien une chose que je tais, et qui me ronge depuis notre désignation. La dévoiler maintenant cependant, pourrait changer votre perception du combat à venir, et peut-être même son issue.
JONAS – Je n’en crois rien. Quoique vous disiez, je l’entendrai en arborant mon plus beau masque de marbre.
TRÉHOR – Une noble matière, que vous choisissez là… d’une surface d’apparat et d’un bel éclat, qui n’échappe pourtant pas à l’épuisement. Même le marbre casse, Jonas.

Illustrations de la page

Sincères remerciements aux deux institutions muséales suivantes, prêtant leur autorisation et offrant par là-même une sublime valorisation du contenu de cette page.
– « The fight between Ulysses and Irus » de Jan Muller, Collection du Musée à Washington, National Gallery of Art États-Unis.
– « Antigone conduisant Oedipe aveugle » de Bonnat Léon Joseph Florentin, Collection des Musées de la Ville de Poitiers et de la Société des Antiquaires de l’Ouest.