On retrouvera dans ces récits inspirés des récits initiatiques du romantisme allemand, les thèmes familiers déjà présents dans les précédents recueils comme autant de facettes, autant d’aveux de l’auteur.
Il recherche les itinéraires, les miroirs qui s’entrouvrent sur « l’autre côté des choses » et leur mystérieux dévoilement : « ce chemin véritable qui conduit vers l’intérieur » comme l’écrit Novalis.

Un fil d’Ariane pour nous guider dans les profondeurs de cet imaginaire : l’incapacité où se trouvent les êtres aussi bien que les choses, les lieux de se séparer du passé une incapacité à peu près totale à l’oubli. Ce qui est beau c’est être d’ailleurs. Ailleurs ce n’est pas ce qui est loin, c’est tout ce qui est enfoui : l’océan, la tombe, le cœur de l’homme… naître sans cesse. Mourir sans répit n’arrive jamais.

Sur ma nuit penchée, elle est comme une bougie, un souffle qui effleure un visage endormi. J’ai entendu cette voix qui m’interrogeait avec la mienne tandis que je posais mon regard sur ce visage effarouché pareil au mien, aussi nu que le mien. Je voyais dans ses yeux mes yeux et en eux comme une question où se reflétait la mienne. Dans ses doigts où le jour se lève elle a mis le froid d’un miroir, d’eau, de vent que son sourire consume.
Des buissons s’ensanglantent lentement, m’écorchent de leur givre, m’enserrent dans leurs filets. Un grand soleil me prend par les épaules. L’odeur des tilleuls flotte par-dessus le canal. Cet après-midi d’été s’enchante de lui-même sur la musique aérienne des cloches.
J’écoute ces nuages de sons éparpillés dans la parure de leur nudité. Une odeur d’eau immobile rejoint le parfum de l’herbe mouillée. Je tâtonne encore. Là-haut la cloche jette à pleine main sa pluie de cristal. Il me semble que ces canaux, ce ciel effleurent d’une main incertaine une âme vide et claire qui prie et attend.
Le ciel repose doucement sur la prairie, comme une belle eau tiède tombée dans l’herbe, la terre respire. La mer est là-bas immobile, ailleurs toujours ici, un temps incompréhensible ; le sable, la vie.
L’air est léger, d’une odeur d’herbage et de lait. Un nuage traverse le ciel, solitaire, sans hâte et se défait dans l’épaisseur grise du rien. J’offre mes mains au vent et le vent pénètre la pointe de mes doigts, la grotte chaude de ma paume, son souffle près de mon épaule, poussière de ciel au reflet d’argent tiède. Qu’es-tu venue faire si près de moi, si loin. Ce que tu voudrais me dire le temps le sait, le temps le tient, l’inscrit jusqu’à tes larmes, ce lieu lointain ce lieu à vivre…
C’est l’heure où l’espoir se penche comme un vol d’oiseaux sur un mur, un toit. C’est l’heure où les messagers célestes s’agenouillent en drapant leurs robes autour de leurs pieds nus. C’est l’heure où l’égaré brûlant de soif, n’a pas reconnu la source dans l’ombre et boit sa vie sans apaiser sa soif. Maintenant tu t’es arrêtée dans une douleur imprécise, maintenant tout est vent, chemin de nul sommet, dans la nuit qui prend ton cœur.