Les passagers est un ensemble de sept histoires courtes, dans lesquelles apparaissent des tranches de vie, ces moments imprévisibles et quel que soit l’âge, où l’être humain endosse l’habit d’« aidant » de l’autre.

Celui-ci devient alors le passager d’un voyage qu’il n’a pas nécessairement choisi. Dans cette traversée plus ou moins longue et plus ou moins perturbante, il essaiera de répondre à trois questions existentielles : que faire ? Que devenir ? Que penser ?

Au fil des pages, la vie de ces hommes et de ces femmes donne à voir la place de l’autre au sein d’un couple ou d’une famille. Également, à travers ces sept nouvelles, l’auteur montre les ressources, les réflexions, les errements, les convictions de chacun, sans jugement, naturellement, humainement. L’humour et l’amour, bien entendu, n’en sont pas absents.

Extrait

De retour à la maison, les répliques, les résistances, les maladresses, les habilités perdues de son mari resurgissent devant elle. Elle pleure. Elle s’en veut d’avoir porté quelques mauvais jugements. Elle s’en veut de l’avoir maudit parce qu’il dérangea ses habitudes et la maisonnée. Elle s’en veut de ne pas avoir accepté la vieillesse et la maladie, endormie dans cette paisible douceur, qui n’était pas angevine.

Il préfère l’inciter, au-delà d’un appui constant et capital dont il a besoin, à ne pas inverser les rôles ; l’épouse ne devient pas la mère ; le quotidien est redistribué. Il préfère l’informer, la maladie évoluant, qu’elle n’aura plus la possibilité de prévoir quoique que ce soit, qu’elle perdra sa tranquillité d’esprit, qu’elle pensera pour lui dans certains des actes de ce nouveau quotidien, mais toujours avec lui, jamais sans lui. Il l’apaise et la déculpabilise une dernière fois avec le mot attachement ; ils sont, ils seront toujours attachés l’un à l’autre ; tel le jeune enfant avec sa maman qui a ce besoin d’attachement pour se développer socialement et émotionnellement.

Je reste assise à côté de mon mari, le plus tranquillement possible, en ce début d’après-midi. Il est en train de subir une poussée douloureuse causée par la maladie. Des fourmillements, des sensations de brûlures, des décharges électriques ont envahi son corps. Je ne souhaite pas lui transmettre mon stress. J’attends. La bonne humeur reviendra jusqu’à la prochaine poussée, qui ne sera pas la dernière, qui ne sera malheureusement qu’une parmi tant d’autres. Peu de temps après cet épisode compliqué à vivre pour tous les deux, l’aide à domicile sonne à la porte. J’en profite pour prendre l’air.

Un authentique et indiscutable désordre arrive dans notre jeune couple. Une épreuve se met en place. Un nouvel espace-temps s’insère, en elle, entre elle et moi, entre sa vie et ses envies. Elle fait bonne figure ; elle se dit forte et courageuse ; elle pleure. Je discerne une vulnérabilité, une fragilité, une incertitude, une précarité. Dans le couloir, je prétexte d’aller aux toilettes ; je pleure, en secret, discrètement, moi aussi ; les larmes me calment, la tension accumulée dans le corps s’éclipse ; j’apprécie ce soulagement, je l’accueille même sereinement, sans trop chercher à l’appréhender.