Les portes de mon éveil. Swami Saî Amritha
Vouloir détacher l’inconnu du connu est une exaltation d’être prenant une saveur particulière. Plus dense. Tout se déroule, au fond de soi, dans la profondeur d’une lueur d’éternité, telle la révélation capitale. Chercher c’est espérer atteindre l’immensité de la vie éveillée, bien au-delà de Maya. Se projeter c’est déjà un peu s’accomplir, esprit en arrêt, temps implosé. À remonter son propre courant, au moment voulu, c’est réaliser son dessein, sans qu’on sache pour autant comment expliquer clairement son ouverture à la quatrième dimension du temps, au quotidien. Faisant dorénavant partie du paysage.
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Le propos de cet écrit tient aux événements qui n’ont cessé de me solliciter tout au long de cette vie pour me permettre d’accomplir le destin particulier, voire rarissime, de ce qu’il est convenu de nommer en langage mystique, celui de « la réalisation du soi » ou « éveil ». Dire que ce fut un choc quand cela se produisit est bien en dessous du ressenti. Si la nature de cet événement est celle que j’ai pu décrire (voir page 188 et suivantes), il me faut aussi mettre en avant la sensation d’espace qui, depuis, m’habite et d’un temps pour lors fossilisé. À déambuler nanti d’une force nouvelle et d’un recueillement propre à la situation, aucune autre richesse ne me paraît être de la taille de l’éveil. Cette lumineuse souveraineté est tout autant une graine. Livres, regards, déposent en chaque rencontre un soupçon de lumière. Si le perçu s’y prête difficilement selon toute vraisemblance, le percevant en revanche se plaît à exister dans la sensation qu’il en éprouve. Par sa plus grande force, la plus authentique peut-être, de destinée dûment accomplie.
Vouloir s’éveiller est l’engagement le plus important que nous puissions faire. En cela il est le plus extraordinaire, le plus vertigineux, car ceci signifie, dans la plus grande conscience qu’implique cette décision, de ne plus vouloir exister en tant qu’entité particulière, animée d’une volonté personnelle construite autour de l’égo, nous fermant sur nous-mêmes, et ne pouvant que nous mettre en situation conflictuelle avec ce qui est. Il ne s’agit nullement de partir, par la force d’une pulsion, à la recherche de l’inconnu ! Mais, plus précisément, d’offrir à celui-ci l’opportunité de se révéler, car ce qui du connu ne peut nous permettre d’accéder à la part de mystère de l’inconnu. Là réside la difficulté parce que notre esprit, incapable de s’extraire de ses aliénations, ne peut qu’entretenir le mouvement du seul connu qui, tournant en rond sur lui-même pour construire dans une monotonie anesthésiante un présent qui n’a d’autres soucis que de le préserver d’un futur, ne saurait être envisagé autrement qu’en une envolée d’épreuves.
Mais l’homme est poussé par un sens de perfectionnement. À celui qui suivra la tempête intérieure prodiguée par la foi ou par l’enchantement, qu’une pensée créatrice consacrera à sa propre élévation, verra son cœur se combler d’une saveur qui le renverra aux profondeurs matricielles. À mesure qu’il se perfectionnera il lui sera donné plus de clairvoyance et de discernement, car la lumière est déjà là, il n’y a pas à aller la chercher quelque part. Il ne nous appartient que d’alimenter cette flamme. Nous n’avons pas à trouver une méthode qui nous permettrait d’accéder à la mère de tous les mystères en emportant avec nous notre lourd passif de dépendances, de déchirements, d’orgueil, de convoitise, de préjugé, d’amertume. Toute la panoplie de la sécheresse de cœur de ceux qui ne savent objectiver, mais, tel que nous sommes, ici, maintenant, d’avoir le courage de regarder en face et d’affronter lucidement la construction du processus d’ignorance qui d’une sorte d’inconscience noua a autant éloigné de notre être véritable. L’admettre implique, si nous voulons être conséquents avec nous-mêmes, la nécessité d’une investigation dont la détermination permettra de se dépouiller des constructions façonnées par le temps, en contradiction, consomption, rigidité, sécheresse, crainte, rejet. Toutes ces sources de disharmonies destructrices. Tant intérieures qu’extérieures.
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