Dans ma nouvelle, June endosse mon rôle. Elle souffre et prend la fuite, se perd, dans tous les sens du terme, et se retrouve projetée dans une dimension parallèle dans laquelle elle n’a pas d’autres choix que d’affronter ses propres démons.

La présence du Chat guide le lecteur sur l’intention du récit, de par sa dimension mystique. Revenue d’une EMI après un coma de quelques heures, June allège sa conscience et dit son amour mais il ne sera pas entendu. Dans ma nouvelle, le coma est un prétexte à l’introspection, l’EMI est le fil sur lequel on évolue parfois, entre l’envie de se battre et celle d’abandonner, et l’univers parallèle en est le décor dont la seule nécessité est de survivre.

Neuvième vie est finalement l’exutoire d’un œdipe tenace qui, peut-être, a pu priver l’Autre parent de l’amour et de la considération qu’il aurait mérités.

Extrait

Oui, elle savait que ce serait difficile mais elle n’avait pas le droit de glisser. Elle avait donné deux vies et devait veiller sur elles.

Le voile du petit matin se levait lentement, mais son esprit, lui, restait trouble. Elle qui avait toujours su quoi faire, où aller, elle qui s’était toujours débrouillée, même dans les pires moments, ne comptant que sur elle- même… Tout était devenu tellement flou, opaque. Il fallait qu’elle parte, qu’elle s’évade un moment, quelques heures, qu’elle s’arrache physiquement de la maison de son enfance, l’antre de ses souvenirs, bons et mauvais, doux ou violents, impérissables, tous. Traverser le parc jusqu’à sa voiture.

L’habitacle de la petite Abarth sentait le tabac froid. Elle s’y engouffra comme dans un refuge, le visage tuméfié par trop de larmes, trop de cris étouffés, les poings serrés, la respiration rapide et saccadée au rythme de ses sanglots. Elle démarra et s’éloigna sans un regard en arrière, sans savoir vraiment où elle allait, pourquoi, ni pour combien de temps.

Ce qui restait de la brume du matin finit par engloutir la petite voiture, sans bruit, sans fureur, sans but.