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Extrait

Après 20h de train à travers le désert du nord Soudan, c’est l’arrivée aux environs de Khartoum

Pour une raison inconnue, qui ne semble pas de bon augure, notre train s’arrête, la rumeur d’une interdiction de continuer plus avant circule. Sans qu’aucun signal ne semble avoir été donné, un mouvement de foule se crée. Tous les passagers se mettent en mouvement vers les portes et descendent des wagons sur les voies. En absence de quai, ils sautent sur le ballast pour atteindre le sol sablonneux qui longe la voie. Un mouvement d’entraide se crée pour permettre aux personnes âgées, ou ayant des difficultés de mobilité ainsi qu’aux femmes ayant de très jeunes enfants de passer cet obstacle et de descendre du train.

Le long de la voie, un long cortège de femmes, d’hommes, d’enfants, de vieillards, la plupart en djellaba et turban sur la tête, s’étire maintenant à droite du convoi immobilisé. Cette foule en mouvement ressemble plus à des réfugiés fuyant je ne sais quel danger qu’aux simples voyageurs qu’ils sont. Que faire ? Nous retrouvant presque seuls dans le wagon, nous nous concertons. Faut-il se fondre dans la foule et la suivre, ou rester dans le wagon déserté et attendre ? D’un commun accord, nous choisissons de nous joindre à la foule de passagers. Chargés de nos sacs à dos, descendus du train, nous essayons de marcher à côté de cette foule pour tenter d’avancer un peu plus vite. Mais cela est impossible, la voie est surélevée par rapport au sol environnant et descendre du talus est trop risqué. De plus, j’entrevois au loin à proximité des rails, des soldats en armes qui canalisent la foule et semblent la contrôler. Il serait imprudent de s’isoler de ce cortège, surtout dans la méconnaissance de la situation. Qui sont ces soldats, des insurgés, des réguliers ? Ont-ils gagné ? Quel est leur rôle ? Autant de questions que chacun de nous se posent et qui nous inquiètent. Docilement, nous réintégrons le cortège en marche, attendant avec résignation la suite des évènements. Il n’y a pour le moment rien d’autre à faire et, dans cette longue procession d’une population dans le désarroi, j’accepte avec fatalisme l’instant présent, non sans une appréhension certaine pour ce que nous réserve l’avenir.