Description
Ce livre n’est pas un essai, encore moins un ouvrage d’universitaires, mais un témoignage et un appel aux consciences. Une grande partie de l’opinion publique, mal informée, se désintéresse de cette problématique alors que la France est le mauvais élève européen en matière de conditions de détentions : les détenus ne sont pas uniquement condamnés à la privation de liberté, mais aussi à la privation de leur dignité…
Outre le récit (sous la forme d’un journal) d’Éric Bertin ex-détenu, qui dédie ce livre à toutes les personnes détenues et « au petit oiseau qui vient picorer ses miettes de pain chaque matin pour lui tenir compagnie », l’ouvrage propose une présentation du système carcéral français avec ses défauts et ses failles, le ressenti de Bruno Boulais dans sa démarche de visiteur de prison, la publication de lettres de détenus et des témoignages de personnes en détention recueillis par l’Observatoire International des Prisons Section française.
Les auteurs convoquent enfin Michel Foucault qui publia, en 1975, « Surveiller et punir », texte qui fit grand bruit (jurant avec le silence relatif, voire le black-out d’aujourd’hui) il y a presque un demi-siècle et dans lequel il dénonçait, déjà, l’échec de la prison en tant que lieu d’enfermement et de punition.
Bruno Boulais et Éric Bertin ont souhaité apporter leur modeste contribution à un débat public aujourd’hui presque éteint, mais dont les braises ne demandent, peut-être, qu’à être tisonnées pour se rallumer.
Extrait du chapitre « Présentation du système carcéral » :
[…] Au 1er avril 2018, la Direction de l’administration pénitentiaire compte 70 367 personnes incarcérées, dont près de 21 000 en attente de jugement.
Les maisons d’arrêt accueillent l’essentiel des détenus de France. Dans ces établissements pénitentiaires bondés (140 % de taux d’occupation), moins d’un détenu sur cinq a droit à sa propre cellule.
Pourtant, le principe de l’encellulement individuel, inscrit dans le code pénal depuis 1875, voit son application être sans cesse repoussée. Fondamental, car il s’agit de garantir à chaque personne incarcérée le droit de disposer d’un espace où elle se trouve protégée d’autrui et peut préserver son intimité, ce droit à un encellulement individuel est bafoué depuis sa proclamation.
La surpopulation carcérale est, depuis des années, un mal chronique des prisons françaises. En 1990, le taux d’occupation des établissements pénitentiaires était de 124 %. Il était, au premier janvier 2019, de 116 % avec 70 059 prisonniers pour 60 151 places… et 1 628 détenus doivent dormir sur des matelas posés à même le sol.
Extrait du témoignage d’Éric Bertin, ex-détenu :
[…] Il y a l’école pour « apprendre » et, accessoirement pour occuper les journées, mais certains cours n’ont parfois pas lieu, sans que l’on nous indique les raisons de l’annulation de tel ou tel cours. Les séances qui ont lieu se déroulent avec du retard et sont souvent amputées de leur durée prévue.
D’une manière générale, les emplois du temps ne sont pas respectés.
Enfermé presque toute la journée, chacun attend son tour de rendez-vous hypothétique (avocat, visiteur…), des nouvelles de l’extérieur, du courrier…
La justice des pauvres n’existe pas car les avocats ne vous défendent pas s’ils ne sont pas payés correctement. Le seul moyen de s’exprimer reste l’écriture pour tuer aussi le temps.
Il faut aussi « gérer » les autres lorsqu’on est plusieurs en cellule : les tâches ménagères, l’hygiène, prendre soin de soi un tant soit peu.
Il faut faire rentrer des mandats car en prison, l’argent est interdit. Il faut « cantiner », c’est-à-dire remplir le frigo pour changer de la gamelle servie pour les repas qui laissent, c’est le moins que l’on puisse en dire, à désirer.
Extrait du chapitre « Être visiteur de prisons » :
[…] J’ai donc rencontré et connu tous types de personnalités, de tempéraments et de fonctionnements…
Il est arrivé (assez rarement) que le dialogue avec certains soit convivial, mais quelconque et sans grande valeur. Il fut, dans un seul cas, difficile jusqu’à devenir impossible… et interrompu par le détenu avec lequel je refusais d’entrer dans son jeu qui consistait, entre autres, à n’accepter le dialogue qu’à la condition que je fusse en accord avec ses propos, ce qui m’était impossible.
Dans un autre et unique cas, l’entretien avec un jeune détenu brillant, intelligent mais manipulateur, se déroulait en mode jeu d’Échecs (un jeu que nous pratiquions lui et moi) : il plaçait et déplaçait ses mots tels des pièces sur l’échiquier. Ne voulant être dupe de sa tactique, je répondais du tac au tac, toujours : les échanges étaient, intellectuellement, très riches et très forts mais n’aboutissaient pas, finalement à un résultat très probant.
Après plusieurs entretiens de ce type et constatant peut-être que je n’adhérais pas à sa « règle du jeu », ce détenu m’envoya un courrier laconique et succinct m’indiquant que, « malgré le fait que je sois un visiteur très à l’écoute, il ne souhaitait pas poursuivre nos entretiens ».
Mais certaines rencontres (plus nombreuses qu’on ne pourrait le croire) furent pour moi très enthousiasmantes et très enrichissantes et j’ai d’ailleurs gardé avec certains détenus des contacts après leur libération ou suite à un transfert vers un autre établissement.
Au cours de mes discussions avec « mes » détenus, je n’ai parlé à aucun monstre et j’ai discuté avec des humains qui avaient, certes, commis parfois des actes horribles mais dont la sincérité, la générosité et l’humanité m’ont souvent ému.
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