Ce livre souhaite répondre à un problème universel : comment redonner du sens à nos actions en réaffirmant la primauté des buts sur la simple conformité des moyens. Né d’une expérience de terrain, il dénonce la dérive d’une société qui formate au lieu de responsabiliser. L’originalité de ce projet réside dans son ambition : proposer une méthode concrète, issue du monde médical d’urgence, pour affronter l’incertitude tout en cultivant la liberté, l’éthique et l’autonomie. Il s’adresse à tous ceux — soignants, dirigeants, managers ou citoyens — qui refusent d’agir sans comprendre, et souhaitent redevenir acteurs de leurs choix. Inspiré par la pratique du SAMU, il aspire à offrir une boussole dans un monde saturé de procédures et pauvre en sens. Participer à sa création, c’est contribuer à une utopie réaliste : celle d’un monde où chacun pourrait retrouver la liberté et la responsabilité de ses décisions.

Extrait du livre :

« La pression venait de tomber avec la décision d’arrêter. Je devinais chez l’interne comme chez les autres intervenants la sensation de vide que procurait ce passage de l’action dévorante au néant que nous avons probablement tous été amené à connaître un jour. La lumière artificielle de cette pièce sans fenêtre rajoutait au caractère inabouti de la situation. La scène était encore jonchée de sacs ouverts, d’emballages défaits, témoins malgré eux d’une intervention qui avait eu du mal à être maîtrisée de bout en bout. Le temps du rangement serait l’occasion de s’extraire de la tyrannie de l’action pour prendre le recul nécessaire au débriefing.

Cette première simulation devait être pour moi l’occasion de faire pointer par le nouvel arrivant les manques qu’il aurait à combler durant son semestre dans le service. Toutefois le débriefing mettrait une nouvelle fois plus en lumière les lacunes de notre enseignement que celles de son apprentissage.

La reprise factuelle des étapes de l’intervention ne posait que peu de difficultés. L’enchainement des opérations s’était avéré fluide tant que la situation était simple et caractéristique. Mais dès lors que les choses s’étaient compliquées et que des spécificités étaient apparues, la perte de contrôle était devenue patente. Et c’était bien là tout l’intérêt du scénario qui se déroulait devant nos yeux. Percevoir les réactions lorsque la situation devient inattendue et incertaine, lorsque son évolution ne répond plus aux standards imaginés. Là se juge la capacité de prise de décision. La qualité des interrogations que l’inattendu fait émerger. C’est elle qui déterminera la capacité de l’intervenant à y faire face. Malheureusement, et comme c’est trop souvent le cas, notre étudiant avait préféré le refuge des réponses toutes faites à l’ouverture à de nouvelles questions. La réflexion autour des justifications de certains actes durant le débriefing se limitait au suivi de protocoles plus ou moins adaptés. A la question pourquoi, se voyait opposer la réponse comment.

Nous qui étions pourtant en charge de le guider jusqu’à l’autonomie, nous lui avions appris jusqu’à ce jour à suivre des chemins plutôt qu’à lire une carte…

Nous lui avions appris à réciter une leçon. Nous lui avions laisser croire que notre relation à un monde qui nous échappe peut se limiter à un monologue. Mais c’est bien d’une discussion dont nous avons besoin dans ces instants. Un dialogue qui doit nous permettre, pour peu que l’on sache l’interroger, de comprendre le monde qui nous entoure. Nous donner la possibilité de lui demander ses ressources afin de pouvoir les utiliser. Enfin tenter de le modifier pour écouter ses réactions. En d’autres mots apprendre à l’intervenant à s’adapter pour répondre aux besoins parfois changeant du patient. Mission à laquelle nous avions visiblement échouer.

Mais ce constat d’échec se limite-t-il réellement à l’approche de l’urgence par nos étudiants en médecine ! N’existe-t-il pas dans d’autres sphères de notre vie ?

Ne constatons-nous pas régulièrement une confusion entre les buts et les moyens ?

Ne valorisation-nous pas la sécurité des réponses toutes faites au détriment de l’opportunité que confèrent les interrogations ?

Refusons-nous toujours de transférer notre capacité de décision vers des outils ou des procédures extérieures ?

Enfin acceptons nous toujours de prendre le temps de la réflexion sans se précipiter dans l’immédiateté de l’action ?

En d’autres mots le constat élaboré n’est-il pas simplement le reflet d’une situation sociétale plus globale ? »