Au prix d’une première négation, faire vivre des mots qui assemblés, formeront cette mémoire qui me rattache, qui me lie, à travers une quête où l’alchimie du verbe contribue à déployer le réel, dans lequel je l’avoue, je me complais.
Grâce à l’écriture le rapport au monde n’est plus tout à fait le même, et dans une sorte de trouble de l’incertitude, se dessine la volonté de transmuer le métal vil de l’expérience, capable de vivre, après la saisie et ainsi d’inviter le plus grand nombre à y participer.
Cette métamorphose du réel voulu, s’inscrit dans la force de vouloir plaire au travers d’un récit intime et authentique, mais sans prétention à une révolution formelle.

Extrait

Il me faut un début.

Il me faut les mots forts qui frapperont le regard, qui s’attardera sur cette première page. Il me faut lever le premier voile de cette histoire que je veux graver d’une pléiade de lettres, afin de combler le vide. Il me faut commencer. Je dois laisser voguer cette imagination qui flotte nonchalante, comme les voiles de ce trois mâts, qui suivent le rythme des vents. Donnez-moi un mot. Offrez-moi une chanson. Jouez-moi un air, nostalgique de préférence, car mes mains ne volent le mot, le verbe, la phrase, que lorsqu’un frisson d’émoi me parcourt.
Seule, je m’en vais suivre une quête dont j’ignore alors que le jour apparait, comment elle déroulera sa toile. Je crois seulement en cette lumière. Elle est encore bien pâle et tente d’échapper à sa cage dorée pour devenir un pont. Celui que je dois franchir afin de me réfugier dans une vague de forme dont les traits formeront la narration. C’est, je le pressens, l’ultime espoir d’extirper cette déraison qui m’habite.
Peut-être pourrais-je m’amuser en débutant comme il se doit, par il était une fois…
Mais non ! Trop facile ! Ma déception est si grande, qu’elle obscurcit la clarté dont j’ai besoin pour faire face à cette page blanche. Commencer… Difficile car je n’avais rien pour m’accompagner dans cette quête. Il me fallait un sauf-conduit pour avancer, et c’est toi que j’ai choisi. Un inconnu, un imaginaire qui ne lira jamais ces pages. Seule face aux tempêtes que j’ai soulevées au cours de ma vie, tu m’apparais comme une bouée à laquelle il faut que je m’accroche. Pas de visage, pas de nom, tu deviens mon invisible. Toi et moi, dans un dialogue où seule j’argumenterai. Il n’y aura jamais de quiproquos, de refus. Tu acquiesceras sans broncher. Tu ne baisseras jamais les bras, même au plus fort de ma lâcheté.