Peut-on créer le beau à partir du laid, la paix à partir de la violence, l’harmonie à partir du chaos ?
L’utopie est la seule réponse possible, à cette question aujourd’hui insistante.
Cataclysmes et pandémies ont détruit une part de l’humanité, les élites se sont retranchées dans un projet funeste et égoïste. Mais comme certaines graines qui survivent et éclosent après l’incendie, des humains écartés ou réchappés d’une monstruosité urbaine funeste, survivent, s’associent, reconstituent un projet humain avec pour force de ne pas répéter les erreurs faites. Les enfants sont au cœur de ce renouveau. A travers eux on peut repenser l’école, sa place et sa finalité. C’est un propos sur la rédemption, mais aussi un avertissement que la crainte ne résout pas les problèmes posés aujourd’hui.

Extrait

La lune a une présence surprenante, comme si elle était à portée de main, et très loin, là-bas, la barre sombre de la forêt, là aussi surprenante par sa vérité la différentiant de celle qu’ils voyaient parfois sur les flots d’images dispensées à l’unité d’égaiement. Spontanément, intuitivement, ils savent que c’est leur but.

Ils s’éloignent ainsi du monde qu’ils avaient connu jusqu’ici, sans un regard en arrière, sans appréhensions.

Subitement, ils entendent une voix. Une voix douce et tranquille, qui les surprend mais ne les effraie pas. On les interpelle depuis un fourré. Les frondaisons s’écartent et un vieil homme s’approche. Il les regarde avec bienveillance. Que faites-vous là ? dit-il. Ils ne savent que dire. Il les invite à le suivre. Il leur demande leurs noms. Ils marchent dans le bois, jusqu’à qu’apparaisse une curieuse construction, une maison – ils en avaient vu des illustrations – cachée, avec de la végétation sur le toit. L’homme les invite à pénétrer, ils entendent une musique d’une simplicité qui les bouleverse, d’un dépouillement absolu, comme une parole enchantée. Ils découvrent la femme qui la produit, le visage comme absent, alors que tout en elle est rayonnant. Elle fait corps avec un objet qui semble à la fois grand et fragile, qui semble la raconter, qui semble raconter le monde. Ils ne le savent pas encore, c’est un violoncelle, et ce qu’ils entendent est une suite de Bach.