Il existe des situations inattendues ou toutes vos certitudes, vos croyances, vos aspirations, et tout ce qui vous construit depuis de nombreuses années s’effritent, s’érodent comme un château de sable assailli par les mouvements récurrents et incessants de l’eau.
Lorsqu’elle apparait au sein d’un cercle familial ou amical elle prend différentes formes. Parfois, elle s’invite longuement, sans carton d’invitation, d’autres fois, elle apparait un court instant puis s’évanouit. Mais toujours elle cisèle profondément les personnes.
Elle peut être démonstrative, enfouie, latente, pernicieuse, retorse, incurable, pour finalement venir déferler dans les cœurs avec une puissance insoupçonnée et une sauvagerie destructrice.
Aborder le thème de la maladie d’une personne aimée est très intime, pour ne pas dire trop intime.
Ce texte s’adresse à tout le monde et chacun pourra se l’approprier, l’adapter, le façonner, le modeler à sa propre sensibilité. Pour moi, écrire ce tapuscrit a agi comme un onguent, un baume cicatriciel.

« Joueuse avertie, Annie avait rapidement intégré un groupe de passionnées de cartes. Les amies tapaient le carton des après-midi entières, heureuses d’être ensemble. Tout en s’amusant, elles causaient jardinage, s’inquiétaient des enfants, commentaient les dernières frasques des petits-enfants.
Ces babillages légers alimentaient également des commérages de bon aloi.
Parfois, un faible éclat de voix troublait la partie engagée. Une discrète mais subtile tricherie, avantageant une équipe, avait été percée à jour. Un éclat de rire tonitruant agrémenté d’excuses de circonstances de l’ensemble des joueuses ramenait le calme et la quiétude du jeu. Aucune animosité entre elles, aucune rancœur.
Des bonheurs simples remplis de chaleur humaine et d’amitié.
Richard avait réussi à gagner la confiance des hommes du village, des hommes taiseux, vaillants, travailleurs infatigables pour qui la parole donnée et la tape dans la main valaient engagement. Richard appréciait particulièrement l’émulation d’un groupe produite dans l’accomplissement d’une tâche rude. Ces moments de camaraderie dans l’effort l’enchantaient. Au printemps, Richard aidait aux champs, l’été il participait à la fenaison, à la coupe du bois.
Ses amis villageois lui narraient des récits alpins, lui leur dépeignait ses navigations océanes.
Depuis quelques années les parents d’Hugo vivaient là, un peu reclus, un peu à l’écart du monde. Ce monde si souvent parcouru durant leur jeunesse. Leur union, cinquante-deux ans plus tôt, avait été embellie par la naissance de deux fils, Hugo et Jérôme. L’arrivée des petits-enfants avait harmonieusement complété cette fresque familiale.
Annie et Richard vieillissaient tranquillement ensemble, modestement, sans excès, jouissant goulument de chaque miette de temps restant. Ils adoraient cette vie un peu hors norme, un peu en marge. »