Un Chemin d’Écoliers

de Frédéric Guidon

Montez à bord d’un véhicule de transport en commun spécialement affecté au ramassage scolaire. Roulez parmi les élèves, dans l’entre-deux quotidien – mais si mal connu ! – que constitue leur acheminement du domicile au collège. Des découvertes vous attendent. Embarquement imminent.

Il vous est proposé de participer à la naissance de ce livre en nous aidant à faire de sa parution prochaine avec les Éditions Maïa, un succès. Plus les préventes seront nombreuses, plus il sera promu et diffusé. En retour, vous y graverez votre empreinte et y serez mentionnés en page de remerciements (selon accord). Vous recevrez ainsi le livre en avant-première, frais de port inclus !

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63 ans. Ci-devant professeur de français. Agrégé de Lettres et docteur en littérature reconverti dans le transport, Frédéric Guidon concrétise enfin un rêve ancien : acheminer, au volant d’un véhicule de transport en commun, des enfants vers leur École… En d’autres termes, contribuer à l’institution en agissant à sa périphérie, dans un cadre contigu : celui du ramassage scolaire. Aussi, Un Chemin d’Écoliers  restitue-t-il, en cent pages, les captations, les échos et les observations que son positionnement original – mi-scolaire mi-routier – lui a permis de rassembler au long de l’année 2023-2024.

Le narrateur donc est le conducteur. Témoin et récepteur, immergé dans la petite société de plusieurs dizaines de collégiens et lycéens, il raconte avec minutie et sensibilité les micro-événements qui ponctuent à huis clos quotidien sans cesse renouvelé, ainsi simultanément mobile et mouvant. Le livre se développe au rythme d’une chronique qui épouse la cadence scolaire, de la rentrée de septembre aux grandes vacances de juillet. Il rayonne en une trentaine de récits circonstanciels et diversifiés. Chacun d’eux relate un aspect significatif d’un entre-deux scolaires, espace-temps certes généralisé à l’ensemble du territoire mais très peu interrogé et jamais encore par un livre formulé.

Un Chemin d’Écoliers  puise dans la trame d’un réel banal et de ce fait négligé… et pourtant digne d’intérêt. Écrit comme un document de terrain (tendresse et humour en plus !), il mérite sa place dans le vaste champ de la sociologie de la jeunesse. Il offre en effet, à son échelle, une contribution inédite pour une meilleure compréhension de la population scolarisée regardée à la frontière de sa scolarité. Il n’a d’autre aspiration que de diffuser auprès des éducateurs et des parents une image sympathique – malgré tout fidèle – des enfants, dont il est bon de se rappeler qu’ils sont avant tout nos reflets et nos successeurs.

Extraits de  Un Chemin d’Écoliers  de Frédéric Guidon

Extrait n°1

Un Mot pour Un Autre.

— Tu n’as pas ta carte.
— Si… Mais elle est désamiantée (sic)
— ? … La carte ?
— Oui : désamiantée.
— dés-amiant-ée ?
— (Lent haussement d’épaules) Bah oui …
— C’est donc possible…
— (Haussement d’épaules bis) Eh ! Puisque c’est le cas !
— Alors tu vas le signaler au bureau de la vie scolaire…
— (Haussement d’épaules parées pour une prise de bec) Bah oui ! Quoi ! À la base !
Lui s’avoue présentement perdant.
Et l’heure qui tourne…
Elle part s’asseoir.
Lui reprend sa route avec un retard léger sur l’horaire et dans la tête un intrus lourd.
Car que signifie donc « À la base » qui, comme on vient de l’entendre, clôt cet échange particulièrement stérile ?
Au pied, au bas de : « À la base de cet immeuble, trois cellules commerciales viennent d’être aménagées. »
À l’origine de, au fondement de : « À la base de toute religion, il y a la peur de la mort. »
La jeune fille interrogée semble privilégier un troisième sens non attesté, « À la base » signifiant alors pour elle À l’évidence, bien sûr.
Et que dire par ailleurs de l’étrange participe « désamiantée » asséné deux fois et deux fois confondu avec le juste et nettement plus inoffensif « désaimantisé » synonyme de « démagnétisé » ?
Mal nommer une chose, dit Albert Camus, c’est ajouter un malheur au monde.
Il avait mille fois raison. Lui parlait sérieusement, alertant sur les méfaits extralinguistiques, relationnels et sociaux d’une langue insuffisamment maîtrisée, truffée d’impropriétés non dénoncées.
Voici, en petite marge du Prix Nobel, une fiction beaucoup plus humble, peut-être risible, illustrative des risques encourus suite aux emplois lexicaux erronés.

« De l’amiante dans les titres de transport !
Un chauffeur de bus dénonce
La semaine dernière, n’en pouvant plus d’un silence pesant et lâche, un chauffeur de bus bien connu de la population et estimé de tous, mais qui a souhaité garder l’anonymat vu l’ampleur de ses révélations, est venu s’exprimer dans les locaux de notre rédaction. Cet ouvrier vigilant du ramassage scolaire dit détenir la preuve irréfutable (des dizaines de témoignages concordants d’adolescents disent la même chose, à l’appui) que les cartes magnétiques, dont les collégiens sont dotés, sont bourrées d’amiante, dont chacun sait la toxicité extrême ! Qu’une enquête compétente et indépendante s’ouvre au plus vite ! Que la pleine lumière soit faite sur ce que nous n’osons pas encore qualifier de Danger Public. » 

Tout ce laïus bien-pensant et anxiogène eût été évité sans la confusion désaimantisé/désamianté. Regardez, jeune fille :
a/im/an à gauche – a/mi/an à droite.
IM au lieu de MI.
Deux simples lettres interverties mais quel bouleversement, non ?

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Extrait n°2

Rester en Vie.

Petit matin friquet. Janvier réfrigéré. À peine plus de sept heures. Colonne de mercure surbaissée, sous la ligne de flottaison du zéro. Entre chien et loup, la route ni noire, ni blanche, ni grise, née de la lumière des phares, consent à exister, provisoirement, parcimonieusement, puis obstinément disparaît sous les roues prudentes du lourd véhicule.
Depuis plus de dix kilomètres, distance qui relie le dernier village du collège dont les enfants à mon bord dépendent, je lève le pied.
Sur la départementale assoupie (mais non assagie), la neige tombée d’hier s’est entêtée : elle prolonge son existence terrestre sous la forme de longues crêtes droites et blanches, de quelques centimètres d’élévation, particulièrement nombreuses au centre et au bord de la chaussée, montagnes en miniature disposées en chaîne quasi parallèles, que le bus aplatit deux fois.
Plus nous nous rapprochons du terminus scolaire, plus le retard sur l’horaire habituel s’étire. Tout à l’heure déjà deux minutes, décalage admissible, compatible avec là-bas la sonnerie du début des premières classes.
Maintenant, « -3 » s’affiche au smartphone embarqué (entendez trois minutes de retard), bientôt quatre, sans doute cinq à l’arrivée, selon l’état plus ou moins hospitalier du ruban, à chaque tour de roue conquis à une cadence récalcitrante.
J’écarquille les yeux. Voulant mieux voir et vaincre, me voilà penché sur le volant, la longueur des bras fléchis autour de l’instrument principal de ma navigation, scrutant le plus petit indice émergé du diabolique verglas. Car de la neige passe encore : une allure adaptée et une patience éveillée le plus souvent y remédient. Mais son cousin verglas, diamantin mais camouflé, transparent et impénétrable, est toujours traître. Et intraitable.
Derrière, les enfants grands et petits sont immobiles et silencieux. C’est tout juste si un écran lumineux de poche, pas même deux, au fond à gauche, remue, sans s’agiter, sans déranger l’engourdissement inusité qui règne ce matin parmi la clientèle collégienne.
Feux de croisement/feux de route et vice versa : la chaussée s’allonge ou se raccourcit selon la cadence des véhicules croisés. Depuis dix minutes, quelques voitures seulement, des conducteurs desquels chacun de nous perçoit la vigilance accrue, légèrement inquiète.
Je travaille, secondé par plusieurs auxiliaires électromécaniques. Outre le sélecteur de vitesses forcé et le frein de service augmenté du ralentisseur, un domino supplémentaire est activé au tableau de bord : il commande le ralentissement de toute roue motrice qui, manquant d’adhérence, commencerait à patiner…
Trois jeunes filles se sont postées sur la plate-forme avant. Entre les deux portes vitrées d’accès et mon petit portillon-comptoir, elles sont là, debout, bien ensemble et unies comme jamais par les circonstances présentes.
Toutes trois en effet m’ont d’yeux que pour la route devenue spectacle. Hier ignorée, mais ce matin vrai sujet d’observation. Six yeux regardent donc l’asphalte inhabituelle : non plus lisse et sûre, ordinaire et sans intérêt, mais marbrée, bossuée, truffée d’excroissances cristallines aux pieds desquelles l’eau de la nuit froide s’achemine en canaux ramifiés vers des destinations illogiques, au hasard de la surface roulante chahutée par l’hiver.
Cette métamorphose chaque seconde recomposée les attire et les émeut, je le devine. Toutes trois placées de front et qu’une unique silhouette semble confondre, regardent l’inaccoutumé, et le risqué. Toutes trois, que le réel hivernal placé devant la vitre inquiète et réjouit, fixent des yeux le sol tantôt dévoilé, tantôt dérobé, si riche d’imprévus ce matin… Alors une parole jaillit à l’adresse des camarades conglomérées : « On se croirait en avion !! ». On acquiesce sans rompre le silence. Le chauffeur profite de cette sortie — et d’une zone enfin mieux dégagée — pour donner de la voix.
— On sera un petit peu en retard ce matin…
Une demoiselle rétorque :
— L’essentiel est de rester en vie.

Précédentes publications
  • Chronique d’un professeur de Lettres, « Graveurs de mémoire », 2015
  • Mon métier de professeur, « Graveurs de mémoire », 2018

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