Quelques unes des émotions que m’a procuré ce coin de nature ou je me suis exilé, j’ai éprouvé la nécessité de les écrire. Car ces émotions ne peuvent être résumées par un mot, il les faut évoquer par les sons, par le rythme, et respecter leur fragilité, pour que se déposent peu à peu dans les vers le ferment de vitalité que pourra peut-être y trouver le lecteur. Pour moi, la poésie est un combat fraternel avec la langue, une lutte pour lui faire dire des sentiments presque indicibles, et pour que ne restent pas muettes les sourdes angoisses qui parfois nous hantent.

Dans cette nouvelle vie, le spectacle de la nature m’a fait vivre de singuliers instants, et c’est ce dernier mot qui titre la première partie du recueil. Dans cette nouvelle vie, j’ai rencontré des êtres dotés d’étranges pouvoirs d’évocation, ces rencontres figurent dans la deuxième partie du livre.
Mais cette nouvelle vie a ses revers, le fracas du monde s’y invite, ses échos sont multipliés, dans le silence des prés et des bois. Alors l’écriture s’engouffre dans ces béances et cela produit des textes d’une autre nature, des textes pour garder « les yeux ouverts », expression qui est devenue le titre de la troisième partie du recueil.
Un appendice intitulé « Phares » constitue un hommage respectueux à Baudelaire. J’y rends grâce à des peintres que j’aime et dont les créations ont éduqué mon regard.
Chaque poème recèle mystérieusement le nom du peintre qu’il évoque. Peut-être saurez-vous le trouver…

Extraits

Crépuscule
[…]
Les oiseaux cognent aux fenêtres
Je leur dis de m’attendre
Leurs vols grimaçants signifient
Des vérités étranges
J’abonde leur message de quelques souvenirs
Et puis les vitres noires
Et puis le retrait spéculaire du monde
Le soupir d’une fin
Et la beauté comme un fin brouillard
Qui met l’âme au supplice

Le lézard
Le lézard entre dans ma bulle
Mes yeux se décrochent du livre
Le lézard entre dans mon livre
Émissaire de vie sauvage
Et me voilà perdu dans un entre deux mondes
Sur le tapis volant de ma terrasse
Dé-livré

Chanson
[…]
La musique métaphysique
Des guitares ultramarines
Et de très mystérieuses fragrances
Chuchotent à l’âme qu’il fut un monde
Où elle chantait
Où le chant de ses déchirures
Résonnait comme un bonheur simple
Un monde immarcescible
Dont nous avons tous le souvenir
Mais qui n’a jamais existé
Un monde à pleines mains
Un monde à gorge déployée
Un monde déchirant de beauté
Plus grand que la mémoire
Où tournoyait et ramageait inlassablement
La toupie de l’espoir

Phares
Rotations de rouges échos
Il a peint l’aube à ma fenêtre
Et sur cette toile de vent
C’est un escalier vers le ciel
Dont les mystères m’éblouissent