Un homme – assez peu sympathique et assez isolé – approchant la quarantaine et graphiste de métier habite à Montreuil. Ville qu’il déteste. Autant pour ses populations (immigrés et/ou bobos) que pour l’ambiance.Il croit pouvoir y échapper – du moins momentanément – en faisant une escapade à Marseille, afin de rejoindre une jeune femme, une écrivaine qu’il a rencontrée dans un morne salon du livre et avec qui il espère passer de bons moments.Il va tomber de Charybde en Scylla… Et pire.

Comme l’a écrit Pit Agarmen dans son excellent livre « La nuit a dévoré le monde « : « On est toujours un connard pathétique quand on profite de son statut. » Ça peut-être une très bonne inspiration.

Tout public.

Extrait du livre

J’aurais dû rester à Montreuil. Je crois. Oui, peut-être que j’aurais dû rester à Montreuil. Pourtant, Dieu sait si je déteste Montreuil. J’en pouvais plus de Montreuil, d’où mon départ. Un peu d’air. Seulement voilà, on croit qu’on part pour quelques jours et puis on ne revient pas. Comme je ne peux pas revenir, j’aurais sans doute mieux fait de rester. À Montreuil. Que je déteste. C’est pas une ville, Montreuil. C’est… C’est rien du tout. C’est nulle part. C’est Paris, sans Paris. Non, ce n’est pas une vraie ville. Même si on proclame que c’est la première ville du Mali ! Et alors ? Encore pire ! C’est juste une ville pleine de Maliens, c’est pas pareil. Quand je dis pleine, c’est pleine. Pourquoi les Maliens ils viennent tous ici ? C’est même pas une ville ! Alors les Maliens… En plus, c’est pas tous des Maliens, il ne faut pas croire. Par contre c’est tous des blacks, des négros, des bamboulas, ça oui et ceux qui sont pas noirs c’est des Arabes, des bicots, quoi… Si on me dit que je suis un raciste, je m’en fous totalement, parce que j’en pouvais plus de Montreuil. Et de eux. Ils ne m’ont jamais rien fait, ni agressé, ni rien. C’est presque pire. Ils sont là et puis c’est tout. Ils m’emmerdent sans jamais m’emmerder. J’ai même pas été cambriolé. Jamais. Remarque, ils voleraient quoi ? Mes crayons ? L’ordinateur, ça oui, l’ordinateur. Mais je me demande si on vole encore des ordinateurs ? Tout le monde en a maintenant. Il faut voler des trucs rares, non ? Je sais pas moi… Des appareils photos sophistiqués, des supers drones, des chaussures en croco ou des tourniquettes à faire la vinaigrette… Je n’ai rien de tout ça, chez moi. Alors, ils sont noirs, ils m’emmerdent, mais ils sont pas idiots. Ils viennent pas me cambrioler rien. Les Arabes non plus. Et comme je ne me défonce pas à quoi que ce soit, je suis pas client, donc j’ai pas à les fréquenter. Mais ils sont là. Ils prennent la place. Ma place, peut-être. Je n’ai sans doute pas raison de dire tout ça, mais c’est dans ma tête. Je n’irais pas en faire des proclamations. J’emmerde les identitaires et tous ces bas du plafond. Mais quand même… Y a des trucs…