L’originalité réside dans sa simplicité. Raconter, imaginer la vie d’un jeune homme durant les années 1800 à 1900. Une vie de labeur ardu pour ces gens de la terre. Ce livre s’adresse à ceux qui aiment les belles histoires, aux personnes qui lisent dans leur fauteuil, sur une plage, dans un train, et qui se laissent bercer par la lecture. Une lecture avec des mots couramment employés, les mots de tous les jours. J’apprécie ces récits qui mettent en lumière la vie des gens, une vie racontée sans excès de vocabulaire, à l’instar des auteurs mentionnés ci-dessus.

Extrait de Gabriel par Christian Cousteix

 » La lourde porte de chêne grinça sur ses gonds d’acier. Le gardien de prison s’effaça sur le côté et regarda l’homme qui passait le chambranle de bois. Avançant de deux ou trois pas, celui-ci stoppa. Il porta sa main au-dessus de ses yeux bleus, pour se protéger du soleil de ce matin de juillet 1880. Il jeta par-dessus son épaule la corde qui tenait le baluchon de toile grise, portant son unique pécule. Une chemise de grosse toile et un pantalon faits du même acabit. Deux paires de chaussettes de laine vulgaire et une paire de sabots usés. L’homme posa son chapeau de feutre noir sur sa tête tondue de frais. La visière porta sur ses yeux un rideau d’ombre salvateur. Il jeta de travers son épaule une longue cape noire en laine serrée, la même qu’il portait du temps où il était roulé et qu’il montait avec les troupeaux aux estives. Il avança à pas comptés sur le chemin poussiéreux de la liberté. Il absorba d’un coup le chant des oiseaux, des insectes, le parfum enivrant des fleurs d’été. Il sentit sur son visage rasé de frais le vent chaud de cet été de libération. Enfin, la liberté, comme il l’avait attendue ce jour-là !

Depuis cinq longues années, enfermé à tort dans ce bagne. Il en avait rêvé tous les jours, toutes les nuits, de ce matin fatidique où enfin la porte s’ouvrirait sur la liberté. Mais pour cela, il avait fallu tenir, encore et encore. Se battre pour défendre sa place. Se battre pour survivre, pour manger à sa fin. Pour un morceau de savon déjà bien usé. Se battre pour défendre un ami de geôle plus faible que les autres et qui sans un secours quelconque serait mort depuis longtemps. Se défendre de certains gardiens peu scrupuleux, se défendre de ceux qui aimaient cogner, souvent sans aucunes réelles raisons, pour le plaisir. Les voir avec leurs sourires à l’instant où s’abattait le fouet sur les dos courbés et zébrés de la lanière de cuir. Entendant les cris de ces derniers souvent à demi ivre de vinasse.  »