Ce livre raconte l’histoire de Nira, jeune femme de la caste des Méritants, vivant sous l’oeil bienveillant et attentif du Sauveur. Depuis plus de 500 ans, le Sauveur veille sur son peuple et sur sa grande ville. Du métier, à la personne avec qui se marier et procréer, tout est calculé selon les désirs du Sauveur pour que chacun connaisse bonheur et sérénité jusqu’à sa mort.
Cette histoire est une histoire de liberté et de découverte de soi. Comment faire tomber les murs qu’on nous a aidé à construire toute notre vie durant dans notre propre esprit ? Comment fait-on pour devenir soi-même et libre ?
C’est une question que je me pose, que les gens que je rencontre dans mon quotidien, dans mon travail se posent. Nira, quant à elle, s’apprête à le découvrir, avec l’aide des irréguliers.

Extrait
– Vous connaissez la marche à suivre ? La voix de l’hôtesse était sèche et sans vie.
– Non, madame, c’est la première fois que je viens au centre de tri.
Un sourire triste sembla animer quelques instants ce visage terne. L’illusion passa et l’hôtesse reprit :
– Bon… Prenez l’enfant numéro 1, le plus viable, et préparez-le pour le ramener auprès de ses parents. À l’heure actuelle, il y a eu autant de naissances de femelles que de mâles. Les quotas étant respectés, si dans 72 heures il n’y a pas de naissance mâle surnuméraire, vous reviendrez chercher le dossier et le rendre aux parents. Vous leur expliquerez que nous n’avons pu valider la naissance de leur enfant numéro 2. En revanche, s’il y a une naissance mâle surnuméraire entre temps, vous pourrez venir récupérer l’enfant numéro 2 et le rendre aux parents. Des questions ?
Nira regarda les deux petits êtres qui continuaient de gesticuler dans le berceau. Numéro 1 et numéro 2. Inconscients de ce qui était en train de se décider pour eux, à seulement quelques centimètres de là.
– Non, madame. Je vous remercie.
– Bien, alors emportez numéro 1. Je vais transmettre numéro 2 aux équipes de triage.
Nira hésita un instant, puis prit délicatement numéro 1 dans ses bras. Elle fit avancer ensuite le berceau avec numéro 2, toujours gesticulant à l’intérieur, vers cette femme inerte, non sans un pincement au coeur.
« Par le Sauveur… Nira ! Reprends-toi ! Tu savais que ça finirait pas arriver ! Tu sais que c’est un mal nécessaire à la survie de notre grande ville, de notre peuple et de notre Sauveur ! Retourne-toi et va rendre cette enfant à ses parents ! » Au prix d’un effort bien plus important qu’elle ne l’aurait cru, elle détacha son regard du berceau et franchit à nouveau la porte.