« Ses relations, fussent-elles amicales, professionnelles ou privées, restaient toujours strictement dans l’ordre de l’intime, voire de l’imprononçable. Presque jamais ne partagea-t-il ses connaissances avec les membres de sa famille. Sa mère ne connaissait pas ses amis. Son père ne l’avait jamais aperçu avec une fille. Ses parents se peignaient certainement toutes sortes de scénarios, dans lesquels il était homosexuel dans le meilleur des cas et sataniste dans le pire. Les mille vies inventées qu’on lui attribuait ne le gênaient pas. Au contraire, ça le faisait rire. Ça l’amusait d’être l’objet des fantasmes les plus grotesques. Il ne savait pas non plus négocier. Il ne savait jamais quoi dire pour convaincre. Il choisissait toujours le plus effrayant des vocabulaires. Il ne s’étonnait même plus quand les gens se retiraient. Parce qu’en grandissant, IL avait contrôlé ses goûts et ses apprentissages, toujours avec jugement et condescendance. IL entrait dans des colères effarantes, aussi bien à voir qu’à subir, sitôt qu’il s’apercevait qu’il n’appliquait pas à la perfection la moindre de ses volontés. Alors qu’il était en train de somnoler au fond de son lit, il se surprit à dire : « C’est tout de même étrange qu’IL ait tenté si assidûment de m’intimider car, au niveau de ses amitiés, IL s’est toujours entouré d’une belle bande de bras cassés, des relations avec des cas sociaux qu’IL recyclait régulièrement, soit parce qu’IL ne les supportait plus, soit parce qu’ils ne LE supportaient plus, soit les deux. » Il se défendit, par contre, de juger SES amitiés actuelles par manque de contact avec LUI. Toujours est-il qu’IL a longtemps entretenu des relations kleenex avec SON entourage. Le plus crétin d’entre eux était un colosse doté d’une cervelle dont la taille était inversement proportionnelle à celle de ses biceps. Le bon Dieu avait mis trop d’oignons et pas assez de sel en le fabriquant. Mais le plus désobligeant de tous était l’être qu’IL avait placé entre Eux, celui à qui IL avait eu l’arrogance d’attribuer le qualificatif de « frère » un soir à la table à manger familiale, avec le plus grand sérieux, pas comme deux copains qui s’appellent ainsi à la légère. Leur mère L’avait pourtant souvent mis en garde contre ce pou. « Je le défendrai toujours, répondit-IL. ». « Et lui ? », il était bien entendu présent. Même s’il était resté silencieux, la tête baissée vers son petit concombre, il se sentit sali. »