Lorsque les personnages des Amourettes sont nés et apparus, l’un après l’autre dans le Comptoir des Amourettes, ils ne savaient pas que le destin allait les suivre au-delà du Gévaudan, dans leur lieu de vie. Ils se sont séparés avec désarroi sur les hauteurs de l’Aubrac, sans pouvoir s’oublier. De Clermont à Dijon, de la vallée de l’Ancre au château de Peyre, nous suivons leur personnalité qui s’affine et leurs préoccupations quotidiennes. Mais que devient le maître et pourquoi son disciple est-il aussi perturbé ? Ils n’ont d’autre solution que se retrouver au hameau des Amourettes pour revivre leurs amitiés et leurs passions, partager leurs pensées philosophiques et leur goût de l’aventure, en pleine nature lozérienne. Il m’était difficile de les quitter, chacun hantant mon inspiration ou mes nuits. Ils n’ont eu de cesse de revenir jour après jour, pour créer une communauté élargie, s’apprêtant à affronter le grand voyage de la Truyère.
Les revoici dans la Communauté des Amourettes, pour vous faire partager le meilleur et jamais le pire, s’émerveillant de tout ce que la vie et leur destin leur réservent.

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Des grappes de fleurs à labelle blanc et jaune, encadré par des sépales violacés, se dressent sous leur regard. Le marcheur identifierait sans peine des Epipactis palustres. Mais l’application de Princesse n’en parle pas. Par contre, elle lui permet d’étaler sa science, en montrant aux deux autres, de rares plantes étranges.
— Princesse Regardez une petite plante carnivore. Ses feuilles rondes avec les petits tentacules rouges sont ravissantes, mais je n’aimerais pas être un petit insecte. D’après l’application, elle est protégée et s’appelle Rossolis. Et là de grands trèfles d’eau, c’était des petits, tout à l’heure.
— Le disciple ravi à son tour, s’est accroupi pour regarder de près J’adore ces étoiles cotonneuses blanches et les sépales violets sont magnifiques. On dirait une tenue d’évêque.
— Princesse surprise Quelle drôle d’idée. Et perplexe ajoute Quand tu ne parles pas de Dieu, tu penses aux évêques, que t’arrive-t-il mon beau prince ?
— Le disciple gêné Rien, rien, enfin… à voix basse je t’expliquerai plus tard.
— Anne qui a poursuivi le chemin Encore des messes basses, vous allez me rendre jalouse.
— Princesse On arrive, mon amie, mon amante, ne t’impatiente pas et regarde plutôt ces jolies fleurs pourpres sur le bord de la tourbière. Ce sont des comarets. Bien utile, cette application.
— Le disciple enchanté Des étoiles jaunes, des étoiles blanches, des étoiles rouges, un vrai feu d’artifice.
Un énorme coup de tonnerre plus proche lui répond comme un écho. Le vent se lève et couche les plantes alentour. Ils quittent le sentier de planches en vitesse, regagnent le chemin balisé et pénètrent la forêt clairsemée quand les premières gouttes commencent à tomber.
— Princesse Et zut, je n’ai rien emmené.
— Anne Moi non plus, ni K-way, ni parapluie. Disciple, dis-nous que tu as emporté quelque chose.
Le ciel est devenu noir et les deux jeunes femmes semblent terrifiées, les éclairs se succèdent.
— Le disciple Vite, venez-vous abriter sur ce rocher entouré de genévriers, je vais vous mettre à l’abri.
Il s’assied sur le rocher contre un genévrier et tend au-dessus de leurs têtes ruisselantes, une grande cape islandaise, qu’il a pris la précaution d’emporter.
— Le disciple Princesse, assied-toi contre moi à cheval, tout contre. Anne vient derrière elle, sur mes pieds, pour la blottir. Princesse a peur des orages.
— Anne Et pas toi ?
— Le disciple Non, au contraire, j’adore !
Princesse a niché sa tête contre le torse du disciple et le serre, très fort dans ses bras. Anne à son tour tend les bras jusqu’au disciple et les voilà tous trois recroquevillés, sous leur bâche, comme un amas de crépidules. Des esprits mal tournés pourraient suspecter des ébats amoureux en pleine nature. Le disciple et Anne se mettent à couvrir de baisers la chevelure de Princesse, qui gémit et tremble de tous ses membres, bondissant à chaque coup de tonnerre. Le disciple les bras tendus au-dessus d’Anne pour la protéger avec la cape, lui sourit tendrement en faisant une mimique, signifiant « ça va passer ». Mais il ne dit rien. Puis, il se met à chanter doucement une chanson enfantine toute gaie. Il sent les lèvres de Princesse embrasser sa peau chaude, dans l’embrasure de son polo, comme un remerciement à la douce mélodie, rythmée par les coups de tambours célestes. Bientôt, Anne l’accompagne et ils reprennent à deux voix, Pirouette cacahouète. Le petit homme se réjouit et dans son nid doux et chaud, humant bon les peaux de ses amis, Princesse retrouve peu à peu sa sérénité. Quand l’orage semble s’éloigner, elle écarte brutalement la coquille humaine la protégeant, comme électrifiée et ayant besoin d’air, de beaucoup d’air. Elle se lève en bousculant tout le monde, puis se retourne vers le disciple basculé dans le genévrier et Anne, qui se relève abasourdie. Elle revient vers le disciple, l’embrasse tendrement sur les lèvres et sans retenue, embrasse longuement Anne, d’un baiser impétueux.
— Princesse totalement exaltée Vous êtes mes deux amours, je veux vous épouser tous les deux. Là tout de suite.
— Le disciple explosé de rire Impayable ! Cette princesse est à réinventer. D’accord, je veux bien vous épouser toutes les deux et il dépose un baiser tout doux sur les lèvres entrouvertes d’Anne qui rougit de surprise.
— Anne Et bien mes amis. Quelle tempête dans vos cervelles, les éclairs ont dû électriser vos passions. Deux vraies tourmentes d’amour. Allez, venez dans mes bras que je vous remercie de votre folie et elle entoure Princesse de son bras droit et le disciple de son bras gauche. On forme une sacrée bande d’allumés quand même. Insouciants, un peu fous,…
— Princesse revivant… mais tellement heureux !
— Le disciple J’allais le dire. Et bien, que d’émotions ! J’aurais bien besoin de bromure et il se prend un grand coup de poing de Princesse qui s’écrie.
— Princesse Mais il est graveleux comme la Margeride, ce prince mérovingien. Un véritable apprenti roi fainéant.
Un grand éclat de rire général répond à un dernier grondement de l’orage qui s’éloigne.
— Anne avec gravité Soyons raisonnables, nous sommes trempés, rentrons en courant à la voiture. J’y ai une serviette, nous pourrons nous sécher et je mettrai le chauffage.
— Les deux en chœur Tout de suite maman, on court derrière toi.
C’est une bande joyeuse, crottée et essoufflée qui arrive en trombe au parking. Anne leur tend la grande serviette, il se sèchent réciproquement le dos et la tête et entrent tout ébouriffés se mettre au chaud dans le quatre-quatre. Dans la voiture, la conversation reprend et parce qu’ils sont encore émoustillés, Princesse leur propose le thème du désir.
— Princesse Mes deux amours, que pensez-vous de ce poème de Musset, où il nous dit « Doutez de l’être qui vous aime, mais non de l’amour même. L’amour est tout. »
— Anne, tout en conduisant calmement Un bien beau sujet ma belle. Qu’en pense notre prince silencieux et songeur ?
— Le disciple surpris J’en pense, j’en pense…
— Princesse, se tournant vers lui Et bien, mon disciple adoré ? Tu as perdu ta langue ?
— Anne, se rebellant On n’adore que Dieu ne crois-tu pas, ou son amante préférée ?
— Princesse, continuant à regarder le disciple Si, bien sûr ma sage amie. Disciple, nous t’écoutons. Attentivement.
— Le disciple lui souriant Un proverbe chinois nous dit « Prétendre contenter ses désirs par la possession, c’est compter que l’on étouffera le feu avec de la paille ». Amour ne veut pas dire désir et le désir n’est pas nécessairement caractéristique de l’amour.
— Princesse réjouie Voilà qui nous promet un beau débat.