La Divine Pérégrination est un traité (absurde) sur l’Homme et ses obsessions. Chacun à leur façon, les trois protagonistes tentent de s’affranchir de leur condition et de créer un monde à leur image, où la mort aurait une tout autre définition.

Enfin, ça c’est la version sérieuse. La version officieuse (et probablement la plus honnête), c’est que La Divine Pérégrination est un délire total inspiré autant de Dante que des Monty Pythons, autant de Wu Cheng En que de Douglas Adams ; saupoudrez le tout de mythologie et de cuisine anglaise, une touche de rires enregistrés, et vous êtes encore loin d’imaginer ce qui vous attend.

Bref, il y en a pour tous les (mauvais) goûts.

Extrait

La lumière est si aveuglante que Yorath Caleb ne réalise d’abord pas qu’ils sont arrivés à destination. Progressivement, ses rétines s’habituent à ce nouvel environnement et parviennent à discerner quelques formes simples ; les craquelures qui gangrènent le sol frissonnant à ses pieds, vomissant d’irrépressibles vagues de magma, puis la silhouette lugubre et imperturbable de Lady Lalia Kincaid à ses côtés.
Au loin, rien ne peut venir perturber la ligne d’horizon. Aucun relief, ni montagnes, ni gouffres, ni vallées ; ce monde n’est plus qu’une immense boule de cendre, de gaz en panique et de roches en fusion. Timidement perché au-dessus de ce désastre flamboyant, le ciel a retrouvé sa fragilité des premiers jours. Il n’existe plus pour lui aucune vie devant laquelle se pavaner, travesti des couleurs de l’océan. Il n’existe plus d’océan.
Pourtant, il semblerait qu’une dernière étincelle de vie s’évertue à donner à ce tableau la lumière qui lui sied : à la fois grandiose et monstrueux, le soleil dévore en effet l’éther avec l’insatiable énergie d’un condamné. Son orbe si parfait, à présent gonflé tel un fruit trop mûr, paraît composé de deux cents astres rougeoyants, consumant l’Univers molécules par molécules.

[…]

Partagé entre horreur et fascination, Yorath ne peut détourner son regard du spectacle cosmique se déroulant sous ses yeux. Jamais la beauté ne lui avait paru si dangereuse.
« La fin du monde, Yorath Caleb, lui murmure alors la voix grave de Lalia. Et nous sommes au premier rang. »
En guise de réponse, le Britannique remplit ses poumons de cet oxygène factice qui les maintient tous deux en vie.
« Ne culpabilisez pas de déceler de la beauté dans la mort.
– Je ne culpabilise pas, se défend-il. C’est simplement que… ceci est un événement qui, par définition, ne peut être observé par personne. Nous ne devrions pas être là. Nous devrions être morts, vous et moi. Depuis sept milliards d’années.
– Vos pensées requièrent tellement de mots, je comprends mieux pourquoi votre cerveau s’atrophie de jour en jour. Vous passez trop de temps à formuler, pas assez à réfléchir.
– Je ne peux pas être plus d’accord avec vous. Si j’avais réfléchi, je ne vous aurais jamais accompagnée.
– Allons. Ce voyage qui est le nôtre a tout d’exotique.
– Nous allons en Enfer !
– Je sais, excitant, n’est-ce pas ? »