J’ai été conçue un livre à la main, j’en suis persuadée.
Enfant, la lecture m’a aidée à affronter le noir du couloir, juste là, derrière la porte entrouverte.
J’ai forcé mes yeux à déchiffrer, jusqu’à l’ultime lueur du jour, les pages que je dévorais et, à présent, derrière mes yeux, se pressent et se mélangent toutes ces histoires haletantes. Elles ont forgé mon propre imaginaire. Les personnages prenaient corps en me baladant, rêvant le long des sentiers, je pouvais les deviner, construire leurs pensées, magique !
Il ne restait plus qu’à leur donner la parole dans un récit structuré, une histoire universelle, et là, miracle, les mots ont coulé de ma main… encore de la magie.
Et le doute arrive. Gros, gris, grinçant. Il se met en face de moi à l’heure du thé, hausse les épaules et me toise. Je l’écoute. Je range. Je passe à autre chose.
Et puis l’envie revient. Quelque refus polis, des encouragements, la rencontre d’une autrice s’étant autoéditée et voici « LARGE », sorti du tiroir et dépoussiéré.

Lisa et sa famille, les malentendus, la vie qui tiraille et gratte les blessures, l’apprentissage, l’envol.
Une joyeuse tambouille sur un rythme enlevé, de l’humour pour parler de ce que l’on connait tous : comment rester soi au milieu de sa famille ?

Extrait

La porte claqua violemment. Paul retira prestement sa main et sauva in extremis la dernière phalange de son index. Il regarda la rescapée d’un air ahuri, puis la porte incriminée avec animosité et balança son mépris d’un calme tout masculin :
— Pauvre folle va ! !
La porte ne s’en offusqua pas puisque l’insulte était adressée à la femme qui, dans la pièce opposée, saccageait méthodiquement la garde-robe de Paul. Il resta debout à écouter le massacre silencieux de ses chemises et frémit en pensant à celle qu’il venait de s’offrir, jaune pâle, finement rayée de gris, une vraie merveille encore couchée sur son lit de soie, bien à l’abri dans un emballage de carton glacé.
À côté, la furie semblait s’être calmée et on aurait entendu les mouches voler si, l’hiver arrivé, les mouches n’avaient eu la délicate attention d’aller crever ailleurs, elles. Le silence se prolongeait et Paul allait se retirer sur la pointe des pieds lorsqu’un gloussement de satisfaction le retint et qu’il entendit la furie farfouiller en haut de l’armoire et y dénicher ses derniers achats. Elle piétina vestes et cachemires et renversa allègrement le dernier flacon d’« Egoïste », qu’il se réservait pour ses soirées solitaires.
C’est elle qui le lui avait fait découvrir ; elle l’avait regardé déchirer le papier cadeau et lui avait balancé, goguenarde :
— J’ai pas pu résister, il a été crée pour toi, sûr…
Paul écrasa son poing sur la porte et baissa sa voix d’un ton, il avait lu quelque part que ça calmait les animaux féroces.
— Ça suffit maintenant, calme-toi Hélène !
— Je t’emmerde, connard !
Il haussa les épaules et fut tenté de s’apitoyer sur son sort mais trouva plus constructif d’aller se servir un verre de bourbon.