Napoléon Bonaparte, qu’il soit général, consul ou empereur, nous est bien connu. Il a offert à la France ses heures les plus glorieuses, et à juste titre, c’est son nom qui est resté gravé dans le marbre de l’Histoire. Pour autant, est-ce bien lui qui a laissé sa jambe sur le champ de bataille de Rivoli ? Est-ce son bras, qui a été emporté par un boulet de canon au pied des pyramides ? Ce livre s’adresse donc à tous ceux qui souhaitent célébrer -encore- l’inénarrable génie de Bonaparte, mais aussi aux férus de microhistoire ; le récit fictif de mon ancêtre Péjo, en mêlant les petits événements aux plus grands, rend hommage aux combattants anonymes qui ont tout sacrifié pour que s’écrive la légende napoléonienne.

« Vous allez rester à l’arrière de la colonne pendant que nous entamons notre progression vers Alexandrie, caporal », adjura une voix pénétrante au-dessus de mon épaule.
C’était Bonaparte, du haut de son cheval, superbe dans son uniforme à col rouge brodé d’or.
« J’ai ici besoin d’hommes ayant vos compétences pour débarquer les mortiers restants, les boulets et organiser le convoi de véhicules sous les ordres du général Desaix, qui fermera la marche. Puis-je compter sur votre appui ? »
J’eus tellement à cœur de lui plaire que j’opinai du chef tout du long de sa tirade, comme un abruti, sans vraiment chercher à la comprendre. Depuis Rivoli, il était devenu une idole et je lui vouai une admiration sans borne. S’il m’avait ordonné de regagner la France à la nage pour aller lui chercher une culotte propre à Paris, j’aurais sans aucun doute acquiescé de la même manière. Il tourna bride et disparaissant dans la nuit africaine, je l’entendis haranguer : « Soldats, vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. Faites-moi entrer dans Alexandrie et je vous ferai entrer dans l’Histoire ; en lettres d’or, je ferai écrire vos noms aux pages des plus grands conquérants de l’Orient, où vous attendent depuis longtemps déjà, prodigieux héros, Alexandre et Octave. »