Description
Novembre 2017, les vaches rousses aux longues cornes broutent sur les pentes verdoyantes, les ruches oblongues ont pris place entre les branches des grands arbres.
Tout parait paisible près du Tanganyika. Mais les enfants des rebelles d’hier sont aujourd’hui les jeunes miliciens armés, en attente sur le bord des pistes.
En 1997, Sœur Angèle prit en charge les orphelins de Makamba. Vingt ans plus tard, elle est toujours là mais avec beaucoup plus d’enfants et pas plus de moyens.
L’intégralité des droits d’auteur de ce livre est destinée à l’orphelinat ainsi qu’au centre de handicapés qui prend en charge les éclopés du coin, déformés de naissance, estropiés de la route, amputés qui par mégarde ont sauté sur une mine bien cachée depuis plusieurs années.
« Fabienne a une quarantaine d’années quand je fais sa connaissance. Elle aussi est chef de mission d’une ONG.
Dévouée à la cause, c’est une humanitaire pure et dure qui ne s’économise pas.
Un jour, voulant estimer les besoins sanitaires, elle est allée près de la ligne de front, trop près. Elle est revenue un peu pâle, un peu choquée.
Elle avait senti la poudre et, en courant dans ce champ, avait shooté dans une tête décapitée.
Elle m’a téléphoné et nous nous sommes retrouvées pour déjeuner dans ce restaurant pour expatriés.
Une salle ouverte sur un jardin aux fleurs tropicales, une ambiance feutrée, une salade exotique et du vin sud-africain.
Nous avons bu, un peu trop peut-être, mais il fallait bien ça pour que Fabienne libère l’émotion ressentie quand son pied avait tapé dans un ballon aux yeux exorbités. Puis la nausée, ravalée pendant la course qu’elle dut faire pour se mettre à l’abri des balles, l’a reprise un court instant et nous avons trinqué à une mission qui nous sera proposée, un jour sous des cieux hospitaliers.
Plus tard, le logisticien qui l’accompagnait me confia que plusieurs corps décapités ou démembrés gisaient dans ce champ.
Il avait soutenu Fabienne par le bras et tous deux s’étaient réfugiés derrière leur véhicule, attendant que les tirs s’éloignent :
— On n’a pas parlé. J’ai démarré et roulé vite. Tellement vite que j’ai failli percuter une vache qui broutait sur le bas-côté.
J’ai fait une embardée et Fabienne s’est cognée l’épaule sur le montant de porte. Les larmes ont coulé. La douleur, sûrement. Elle m’a traité de brute et nous avons ri. »