Je ne souhaitais pas seulement témoigner d’un parcours professionnel ou bien promouvoir le métier de professeur, a fortiori celui d’arts plastiques ; il m’a semblé essentiel de communiquer avec vous tous, chers lecteurs, de manière plus directe, intime en vous écrivant mon école d’hier, d’aujourd’hui et demain.

Ce livre a été rédigé sous une forme épistolaire : un ensemble de trente-trois lettres adressées à vous tous, futurs destinataires pourvu qu’ils servent une intention à la fois narrative, informative et sensible.

Bien sûr, je prône la défense d’un métier toujours là, tellement là qu’on finit par l’oublier ? Je m’engage dans cet ouvrage à réveiller vos pupilles et vos pensées à coup d’humour et de poésie vrais de vrai ! Ceci n’est pas un mensonge…

Extrait

Il était une fois, la faim, la très grande peur de tout perdre parce qu’il vous manque un job, de l’argent, cet ultime caviar qu’il vous faut gagner grain par grain et suer pour continuer à étudier. C’était ma quête principale et ma très grande soif.
À 20 ans, 4 petits boulots, ce n’étaient pas assez. Il me fallait combler quelques heures pour boucler mes fins de mois. Le cinquième est venu par force : animatrice spécialisée en arts plastiques.

À l’époque je ne supportais pas les enfants. Je me sentais mal à l’aise avec eux. J’étais très impatiente et tout m’agaçait.
Mon premier cours fut une énorme préparation savamment pesée, pensée. Mon ego bien gonflé paradait dans la classe comme un paon en éventail. Ce fut une gifle monumentale et un échec assommant.

Une seule séance a bousculé toutes mes croyances ; une heure a suffi pour comprendre que ma rigidité pouvait se transformer considérablement au contact des enfants. Car ils sont une vérité qui parle et qui manifeste avec une justesse imparable le moindre défaut, la moindre faille. J’étais très énervée, éveillée au mode « pas contente ! »

J’ai su ce jour-là que ce contexte précis pouvait me guérir de toutes mes certitudes et m’apprendre continuellement des choses nouvelles. Je savais que ce métier serait mon Graal : une surprise magnifique d’autant plus que je ne l’attendais nullement.

C’est un enseignant qui a pointé cette énergie à renouveler une expérience « ratée » pour convaincre un public que j’estimais tout à coup. J’ai reconnu dans l’enfance scolaire une sincérité d’une rare finesse. L’enfant, l’adolescent ressent et repère les dysfonctionnements d’un dispositif aussi élaboré soit-il. Ce qui m’a interpellée et motivée c’était de disséquer mon travail et de déposer sur la table des morceaux à remettre en ordre, de tester des procédures, des stratégies.

J’avais 20 ans et je venais de découvrir mon avenir.