Description
Les filles de l’Équatorial assemblent 7 histoires se passant dans 7 endroits différents de Guyane : Cayenne, Awala-Yalimapo, les îles du Salut, Saül, Cacao, l’Oyapock, Cayenne. Ce n’est pas une Guyane littéraire que j’écris mais une Guyane âpre, crue, vaste. J’ai longtemps vécu dans ce pays, en ai remonté les fleuves et y ai rencontré des personnes inoubliables. C’est ce que je restitue dans ces fictions, parfois drôles, plus souvent tristes mais toujours trempées par les pluies équatoriales. On y croise de curieux métropolitains, des Kali’na retorses, des Hmongs inquiétants, des Brésiliennes au grand cœur. De chapitre en chapitre, certains personnages réapparaissent puis laissent la place à d’autres. La Guyane que je raconte est un pays multiple où les récits de la Bible se dissolvent dans les légendes amérindiennes, un pays brutal qui oblige chacun à se retrouver.
« Julien lavait ses pinceaux en regardant sa dernière toile. Maria semblait surgir de l’obscurité mais son corps sombre se confondait avec la nuit qui l’entourait. La lumière dessinait d’étroits rectangles sur son visage, ses seins et son ventre comme si elle passait à travers une jalousie. Il avait laissé les contours du tableau inachevés, en revanche, le visage de Maria, modelé au couteau, frappait par sa vérité. Julien s’était servi de noirs et de bruns et des traces imperceptibles de rouge corail ourlaient les lèvres, les pointes des seins et le pubis. Quand la peinture serait sèche, il appliquerait avec le doigt un glacis sur le pourtour non finito, révélant son inclination pour la peinture ancienne. C’était son tableau le plus réussi d’une série représentant les filles de l’Équatorial.
[…]
Awala-Yalimapo. J’admets que je me serais rendu dans cette commune rien que pour les sonorités du nom. Ces sept syllabes contenant sept voyelles sonnaient à mes oreilles occidentales comme la promesse d’une musique nouvelle. Avec huit autres passagers, j’avais pris place à Saint-Laurent dans un taxi collectif qui, après un trajet cahoteux, nous déposa en fin d’après-midi à Awala-Yalimapo. Les passagers avaient le teint plus ou moins clair mais tous avaient les pommettes hautes des Amérindiens. Ils parlaient entre eux en mélangeant des mots français et kali’na dont, remarquais-je, les voyelles finales étaient curieusement nasalisées. Au moment où la camionnette s’arrêtait, un chien noir se précipita sous les roues et le chauffeur ne put l’éviter. On entendit un unique aboiement. »