De nos jours, un être extraterrestre appelé Kappa, en provenance de la lointaine planète Kepler-452B, est en mission officielle d’observation rapprochée sur Terre, de façon totalement secrète et indétectable par les terriens.

Grâce à une technologie extrêmement avancée et des aptitudes inconnues des hommes, Kappa est capable d’entrer dans la psyché humaine, pour mieux comprendre et mettre en perspective les milliards de milliards de données récoltées à distance depuis si longtemps. Il rédige sous forme de longues lettres le fruit de ses observations et de son ressenti à l’attention de son partenaire, resté sur sa planète d’origine. Ainsi, lettre par lettre, son rapport d’étonnement couvre peu à peu le spectre large des grandes questions existentielles qui se posent à l’humanité au XXIème siècle.

Du besoin de croire, de l’obsession de comprendre l’origine de l’Univers jusqu’au chemin que l’aventure humaine pourrait suivre d’ici la fin du siècle, en passant par les enjeux de la démocratie, de la démographie, du climat, de la violence, de la science, de l’art, de l’Intelligence Artificielle et du Transhumanisme… l’auteur tente de relier entre elles les diverses grandes interrogations comme on relierait les pièces disjointes d’un puzzle qui ne finirait pas. Les lettres interstellaires ne sont pas un livre de plus sur l’Intelligence Artificielle ou le Transhumanisme, un nouvel exposé qui dénonce les excès du wokisme et la profusion des infox, ou encore une démonstration alertant sur les conséquences du réchauffement climatique. Elles proposent une réflexion plus large qui met en perspective tous ces enjeux, en faisant appel à la réflexion du lecteur.

Extrait

Deuxième lettre interstellaire
La transcendance, les religions, les croyances…

Mon cher Sigma,

Il est vrai et en rien exagéré de confirmer que la Terre est d’une beauté à couper le souffle, que nos images répertoriées pourtant si nombreuses et autant analysées ne peuvent parvenir à révéler dans toute son ampleur la magnificence d’une planète pour laquelle tout a été offert.
Il m’est donné le privilège en tant que premier habitant de Kepler de voir ce spectacle réel et vivant, sans filtre et sans artifice. D’abord dès l’ultime fin du voyage, en m’approchant inexorablement, je n’ai pu qu’être séduit par son bleu lumineux délicatement marbré de blanc, elle dévoile ensuite ses mers, ses continents, ses caps et ses archipels. Elle surgit de la nuit en jouant, comme s’il s’agissait d’une chorégraphie parfaitement millimétrée, avec son unique lune de belle proportion.
Lui-même, astre certes mort mais bien proche et dont le gris maculé de multiples cratères sait si bien, lui aussi, absorber puis refléter la lumière de l’étoile. Tous les paramètres semblent avoir été réunis et surtout réglés miraculeusement pour permettre un développement optimal exceptionnel du vivant avec une diversité absolument prodigieuse. Son atmosphère si protectrice semble avoir été calculée avec une infinité de précautions. Je suis frappé par la palette infinie des odeurs, depuis les fragrances les plus délicates jusqu’aux exhalations acres et délétères, par la richesse des couleurs dont la diversité et les nuances s’épanouissent comme par un enchantement magique. On comprend mieux ainsi que l’espèce humaine s’y soit épanouie au-delà de toute échelle avec une prolifération démographique qui approchera bientôt le chiffre inouï de dix milliards d’individus, ce qui n’est pas sans conséquences sur la sauvegarde des équilibres subtils qui permettent la poursuite d’une vie harmonieuse.

Ils sont si nombreux, souvent entassés par millions dans des mégalopoles effarantes et malodorantes qui ne cessent de s’étaler et grignoter la nature, le long des rives côtières ou fluviales, tandis qu’ils préfèrent éviter les immenses espaces montagneux, arides, trop chauds ou trop froids pour eux, là pourtant où il n’y a presque personne et où le silence apaisant reprend enfin sa place. Beaucoup rompent avec la nature en peuplant des tours d’habitation de plus en plus élevées, des tours de Babel en béton. Et pourtant la gravité terrestre est telle que je ressens beaucoup de pesanteur et beaucoup d’effort pour gravir une côte ou un escalier. Ils revendiquent haut et fort leur diversité et la plus infime différence, tandis que moi, je les trouve très semblables les uns des autres, hommes ou femmes, blancs ou noirs, minces ou larges, jeunes ou vieux et quels que soient leurs accoutrements. C’est leur statut social qui les différencie surtout, aux pauvres un habitat très restreint, aux riches des espaces outrageusement étendus. Ils ne se séparent jamais d’un petit objet plat à la main, même pour dormir, et frénétiquement ils consultent son écran lumineux cent fois par heure, à se demander si l’objet à tout faire, qu’ils appellent un smartphone, ne serait pas désormais une prolongation naturelle, un appendice de leur corps physique ou bien de leur cerveau.

Nous connaissons plutôt bien les circonstances qui ont amené au cours d’un temps très bref dans l’histoire de leur planète, un temps de cinq millions d’années terrestres, l’émergence puis la domination absolue et sans partage de l’espèce homo sur toutes les autres espèces vivantes, animales ou végétales. De nombreux facteurs physiques, biologiques, cognitifs, sociaux et de capacité adaptative ont favorisé cette évolution singulière. L’immense diversité du vivant a favorisé incontestablement ce grand déséquilibre au profit d’une seule et unique espèce particulièrement prédatrice. Leur cerveau, qui n’est pourtant pas le plus gros de celui des êtres vivants, les amène à imaginer, inventer, mémoriser, transmettre, innover, représenter et à questionner le monde qui les entoure. La clé de cette domination réside incontestablement dans cette quête de compréhension et de savoir, dans cette énergie de vouloir pousser à chaque fois la limite, de prendre des risques et de transgresser ce qui semble établi, de chercher toujours plus loin, de penser hors du cadre.
(…)

Ils ont créé le mythe et l’ont paré des ornements de l’obscurité.