« Julianna n’a jamais su transiger ou renoncer. Dès qu’elle a croisé Jan dans le village, elle l’a voulu.
Étrange sentiment pour une jeune fille de 21 ans à peine à cette époque et dans ce pays.
Dans la foule, Isaura suit à peine son père qui marche trop vite. Elle se faufile dans la cohue. Son cœur bat la chamade. Le bruit et la chaleur l’étourdissent. »

Deux petites filles grandissent en Algérie Française, au début du XXe siècle. Elles devront faire des choix audacieux avant d’être prises dans les tourments de la Première Guerre mondiale. On découvre également la force qu’il leur faudra déployer pour imposer leurs décisions.
L’une vivra un drame pendant que l’autre sera heureuse. Inversement quand la seconde découvrira enfin le bonheur alors, la première perdra le sien. C’est comme si elles s’étaient renvoyé la balle du destin tout au long de leurs existences, faisant de l’une le miroir de l’autre.

À travers cette vision personnelle et intimiste des pionniers en Algérie, l’auteure brosse plusieurs portraits de femmes évoluant dans ce contexte particulier.
C’est un témoignage qui mêle souvenirs de petite enfance, témoignages et fictions. Le récit simple, mouvementé, laissera au lecteur des images chargées d’ambiances, de sons, d’odeurs et de couleurs. Construit à la manière d’une saga, il attise la curiosité jusqu‘à la fin.

Extrait 1

Julianna 1 1902 La petite fille et son monde

Le soleil à peine levé, la petite a quitté la maison et suivi le chemin qui mène à la forêt dense qui jouxte les bâtiments.
Elle a pris l’habitude de s’échapper, à cette heure encore fraiche. Elle arpente avec bonheur les sentiers à grands pas, se faufile subrepticement entre les chênes liège, saute par-dessus les bouquets de genévriers, contourne les taillis de thuyas et se cache derrière des chênes verts………
… Aujourd’hui encore, elle a pris possession de son « monde » et soumis ses habitants. Ravie et le souffle court, elle reprend le chemin de la ferme.
À peine arrivée à l’orée, elle aperçoit Père qui l’attend. Il prend alors son air le plus sévère et l’interpelle : « Te voilà, jeune fille. Tu n’en as encore fait qu’à ta tête ! Tu sais que je t’interdis de t’aventurer dans les taillis seule. Comme d’habitude, tu désobéis et tu te sauves aux aurores. Tu as la tête dure. Tu n’écoutes rien. Rentre, change-toi. Demain, je ferme la porte de ta chambre à clé. »
Julianna n’est pas vraiment inquiète. Père finit toujours par lever les punitions. Elle le connaît bien et surtout, tous deux savent qu’il lui pardonne tout.
Lui, pense que sa fille, aventurière et téméraire, lui ressemble un peu. Elle est assez forte pour grandir ici. Rien ne lui fait peur. Il faudra juste, qu’avec le temps, elle respecte leur mode de vie et renonce à cette absolue liberté.

Extrait 2

Isaura 2 1902 Nouvelle vie

Isaura s’éveille tôt, regarde autour d’elle et tout lui semble inconnu. Elle réalise alors qu’elle a changé de pays, de maison. Il fait déjà chaud.
Elle se frotte les yeux et distingue Mère qui tresse sa natte. Pour elle, c’est comme un miracle qui s’opère. Elle l’observe toujours avec ravissement. Elle admire l’agilité des mains d’Isabel qui torsade sa longue chevelure.
Elle rassemble sa crinière dans son dos, la porte sur son épaule et la noue en la lissant. Tout son corps est tendu et son visage se tourne de côté, le regard baissé sur son œuvre. Les mèches une à une se démêlent, s’entrelacent et finissent en une coiffure domptée qu’elle enroule en un minuscule chignon. C’est chaque fois une métamorphose, presque magique, qui s’exécute sous les yeux de la petite fille. Mère se transforme littéralement. D’une jolie maman à la chevelure lâche, séduisante, elle devient sa mère élégante.