L’inspiration m’est venue justement en voyant certaines dérives de notre société, et avec ce constat, le désir d’aider les enfants des amies (je ne pensais pas alors au-delà d’un petit cercle d’intimes) à comprendre que notre civilisation est malade et qu’il faut se réveiller avant de se rendre compte qu’on a passé à côté de la vie.
Je rejoins là un de mes auteurs préférés du siècle passé, Henri Vincenot, un Bourguignon !

Extraits

On entendait, venant de tout près, un drôle de petit bruit comme si quelqu’un cognait sur une plaque de bois : toc-toc-toc, toc-toc-toc… Inno se tourna, un peu inquiète, dans la direction d’où venait le bruit.
« Ne t’inquiète pas, c’est un pic épeiche. Un simple oiseau de la forêt. Chut, regarde-le, il est là, sur cet arbre, mais ne bouge pas, il aurait peur et s’envolerait. »
« Qu’est-ce qu’il fait ? »
« Il cherche la nourriture. Sous l’écorce il y a des vers, il les attrape. Mais peut-être aussi il est en train de faire un trou pour y faire son nid. »
« Un quoi ? »
« Un nid ; c’est à dire sa maison, si tu veux. Il va y mettre de l’herbe sèche, il va ramasser les plumes d’autres oiseaux, tout ce qu’il y a de plus moelleux, pour faire comme un petit lit ; puis sa femelle va y pondre des œufs pour les couver. »
« C’est quoi ? »
« Elle va s’asseoir dessus pour les tenir bien au chaud. Et au bout d’un temps, de ces œufs vont sortir des jeunes pics épeiches. »
« Ça alors, c’est drôlement intéressant ! Tu sais tant de choses, est-ce que tu voudrais bien m’apprendre comment étudier des choses aussi intéressantes au lieu des bêtises de nos programmes scolaires ? »
« Si tu le désires vraiment, Inno, je peux t’aider à apprendre. Mais attention, ça demande un vrai travail. Ce n’est pas seulement amusant. »
« Oui, Ouri, je le veux vraiment. Tu sais, passer tout son temps à s’amuser, ça finit par ne plus être amusant du tout. Parfois, j’avais envie de faire autre chose, mais je ne savais pas quoi ni comment.

« Mais alors, votre village n’est pas le seul du monde réel ? »
« Non, bien sûr. D’autres villes et villages existent, tout comme il y a d’autres Bulles que la tienne. En fait, nous vivons vraiment dans deux mondes parallèles, si différents l’un de l’autre ! Mais ce qui est important, et ceci, ne l’oublie jamais, Inno, c’est que les deux mondes vivent en paix. En s’ignorant, certes, ce qui peut être dommage d’une certaine façon, mais en se respectant mutuellement. Vos dirigeants connaissent l’existence de ce qu’ils appellent, peut-être avec une petite nuance sinon de mépris du moins de condescendance, “le monde réel”.
Mais bien qu’ils aient très certainement les moyens de nous détruire, ils ne l’ont jamais envisagé. »
« Détruire ? Mais pourquoi le feraient-ils ? »
« Pourquoi ? » Marthe eut un sourire un peu triste. « Cela s’est vu dans le passé, un passé très lointain il faut dire. Les hommes cherchaient alors à détruire leurs semblables tout simplement parce que ceux-ci n’étaient pas tout à fait semblables : ils se permettaient de penser de façon différente. Mais maintenant, il y a près de 2 000 ans de cela, on a admis que chacun a le droit de vivre à sa façon, d’être heureux à sa façon, tant qu’il respecte la façon de l’autre. »