Le thème principal de ce livre est l’amour étrange qui consume deux enfants, Alice et Victor, liés à vie par une connivence inexplicable. Séparés par les aléas de l’existence, ils se retrouvent dans les pires circonstances, lorsque Alice se meurt dans un service de soins palliatifs. Commence alors pour eux une course contre la montre, durant laquelle ils vont tenter de refaire le puzzle d’une vie à nulle autre pareille. Une quête qui poussera Victor à mettre entre parenthèses sa brillante carrière d’astrophysicien et ses récentes découvertes. Ce roman aborde trois thèmes qui me sont chers. L’enfance, pour la puissance des émotions et la pureté des rêves qu’elle génère ; l’univers, pour la fascination que suscitent ses insondables mystères ; la philosophie, pour survivre à la perte de l’enfance et au vertige du cosmos.
Après un premier roman teinté de noir et de rouge sang, j’ai donc cette fois sorti mes pastels pour offrir une aventure humaine centrée sur l’amour et dans laquelle j’assume mon goût pour le fantastique.

Extrait

Les lieux sont des êtres vivants, pour autant qu’on y ait soi-même vécu quelque chose d’assez fort pour y laisser un morceau de son être. Le sous-sol de l’immeuble où j’avais passé les premières années de ma vie restera toujours tapi dans ma mémoire comme un prédateur sans pitié. Entre la cave où nous étions allés chercher du lait et l’ascenseur, dans un couloir mal éclairé, étroit, bordé de portes toutes pareilles, nous marchions main dans la main, maman et moi. Elle ne disait rien et soupirait comme la chaudière derrière nous. Elle serrait ma main trop fort, avait-elle peur que je m’enfuie ? Je ne serais pas allé loin. Tout autour de moi, il n’y avait que des portes fermées et des murs parsemés de gros interrupteurs rouges. Pourtant, elle me serrait si fort.
Quand les portes de l’ascenseur se refermèrent, elle lâcha enfin ma main, et lorsque le monstre d’acier hoqueta pour se soulever de terre, dans un chuintement de câbles, elle lança sa grenade, sans oser me regarder.
– Alice retourne en Grèce dimanche.
Je n’opposai pas de résistance, pensant qu’elle allait voir sa famille, ou partir en vacances. Maman semblait soulagée de ma réaction. Elle put alors larguer sa bombe atomique.
– Ils retournent habiter là-bas. Le papa a fini son travail en Belgique.

Je n’avais toujours pas compris le caractère irrémédiable de cette nouvelle. Je m’accrochais à un lambeau de bouée, à la dernière poche d’air d’une cabine inondée.
– Ils reviennent quand, alors ?
– Ils ne reviendront pas. Ils vont partir pour toujours !
Pour toujours ! Ce mot n’avait aucun sens. Rien n’est jamais pour toujours. Sauf la mort ! Philippe était parti pour toujours, et bon-papa aussi.
– Je vais partir avec eux.
Maman pleurait à présent. Ma réplique lui avait sans doute arraché le cœur. Non pas pour elle, mais pour moi. Elle mesurait enfin la profondeur de mon chagrin.