Retrouvailles, nouvelles de la langue interdite

Ancien cadre des transports, je poursuis depuis une vingtaine d’années un travail de littérature. Plusieurs romans ont été publiés, des nouvelles paraissent régulièrement en revues. Je confie à leurs personnages le soin de rendre compte d’épreuves ou de vécus, personnels ou emblématiques de notre temps. Les mots pour témoigner, rendre sensibles des expériences et des événements menacés d’oubli dans le tumulte du monde.

Le recueil « Retrouvailles, nouvelles de la langue interdite » a été finaliste du concours de nouvelles d’Angers en 2020. Il s’inscrit dans la continuité du roman « Cahiers français ou la langue confisquée ».

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Un album de photos invitant aux souvenirs, un repas de famille avec sous-entendus, la visite d’un soldat allemand hébergé pendant l’annexion, l’agonie d’un vétéran, un écolier qui se fait reprendre par un maître tatillon, la petite guerre des enfants en écho à la Grande Guerre, un voyage de l’autre côté du Rhin toujours ajourné…
Les nouvelles de ce recueil évoquent la jeunesse alsacienne du narrateur. Celle-ci se déroule dans les années soixante, à proximité de Strasbourg. Sous l’impulsion des Trente Glorieuses, le pays va de l’avant, mais les fantômes n’en hantent pas moins les esprits. Ils sont porteurs d’un passé d’autant plus encombrant qu’il se donne dans l’autre langue, l’allemande, l’interdite, celle de l’ennemi affronté pendant trois guerres. Ni le passé ni la langue ne sont les bienvenus. Le narrateur sent pourtant qu’ils lui sont consubstantiels. Il s’amputerait de quelque chose en les rejetant. Quel avenir sinon ? Ainsi donne-t-il la parole à Joseph, parti à la guerre de Russie en 1914 puis sur la ligne Maginot en 1939, à Louisa écoutant un émetteur interdit… En nourrissant avec ses aïeux une conversation sans fin, il évoque ce siècle au cours duquel son pays a été disputé, perdu, trahi, reconquis, annexé, restitué, trituré… Une partie de sa mémoire est française. L’autre, allemande, interdite, n’en est pas moins légitime.

Extrait

« C’était au début des années 1960. J’avais 7 ans et j’avais oublié mon livre de lecture à la maison. Il est possible que je me sois seulement trompé de livre. “Ich hab’s Lesebuch vergessen”, avais-je dit tout haut, pris au dépourvu. J’avais 7 ans, mais il était trop tard, le mal était fait. M. Schneider me foudroya du regard. Des yeux, j’ai cherché dans la vieille salle de classe un trou de souris où disparaître. Je n’en trouvai aucun. Aussi, d’une voix à peine audible, réitérai-je mes excuses, convenablement cette fois : “Maître, j’ai oublié le livre de lecture.” M. Schneider perdit aussitôt son air sévère. “Ce n’est pas grave, tu y penseras la prochaine fois. En attendant, tu liras sur celui de ton voisin.” À mon grand soulagement, l’incident était clos, il suffisait de se servir de la bonne langue. »

« Après l’école, nous allions jouer à la guerre. Nous rentrions peu après seize heures. Ma mère jetait un œil sur la liste des devoirs et estimait le temps nécessaire pour les faire. Elle préparait deux tartines et hop, nous laissait partir guerroyer. Notre champ de bataille était adossé au quartier de la Petite Suisse où nous habitions. Nous ignorions alors qu’il existait une grande Suisse. La télévision ne s’était pas encore imposée et, sur les mappemondes, la grande Suisse ressemblait à une tartine grignotée de toutes parts dont plus personne n’aurait voulu. La nôtre, la petite, ne figurait pas même sur les plans urbains, à croire que c’était un Witz. Les quelques cartes postales qui, par la suite, nous passaient entre les mains prouvaient que la grande Suisse existait bel et bien et qu’elle ressemblait à la nôtre, non pas en contours, mais en paysages, forêts et ruisseaux, chalets et pâturages… Nous feignions en revanche de croire que la guerre avait frappé à cet endroit, sous les espèces d’un gigantesque obus perdu par une escadrille américaine au cours d’une nuit de bombardements. Parfois, un bout de métal affleurait entre les mottes de terre et le premier pied qui trébuchait sur lui donnait valeur d’indice. Tous, nous mettions alors genoux à terre et, à mains nues, grattions autour du métal, sûrs d’exhumer une cache d’armes abandonnée vingt ans plus tôt par des résistants, voire une vieille épée oubliée depuis le Moyen Âge. En général, Jean-Claude se relevait le premier et croisait les bras : “Une épée, mon œil, c’est rien qu’un bout d’charrue !” Il évitait d’utiliser la langue interdite. Jacques le gratifiait alors d’un regard où se dessinaient les lettres de quelque gros mot bien senti. »

« Il y avait le Rhin à traverser. Le Rhin, ce fleuve puissant qui coulait vers le nord et qui faisait que les terres d’en bas étaient en haut et les terres d’en haut, en bas. Pour elle et ceux de son temps, c’était comme passer d’un monde à l’autre. Le Rhin, “der Rhein !” Ne le nommait-elle pas ainsi lorsqu’elle en parlait, malgré les leçons de géographie de ses petits-enfants qui récitaient, la Seine, le Rhône, le Rhin, la Garonne et la Loire. “Der Rhein !” D’un côté l’Allemagne, mystérieuse, inquiétante, si loin et pourtant si proche. De l’autre, la France, enfin… l’Alsace. Lorsqu’elle était née, la terre d’Alsace était allemande et, à l’école, Herr Schulmeister leur apprenait à lire et compter. Plusieurs fois par la suite, ils furent contraints de changer d’identité, de papiers, de drapeau et de langue, les chefs d’État à Paris et à Londres en avaient décidé ainsi. L’Allemagne avait été renvoyée de l’autre côté du Rhin, mais dans leurs cœurs ne cessaient de couler les eaux du Rhein dans le défilé de la Lorelei. Les États ne peuvent pas disposer de cela. »

  • Les étapes de création

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