À travers une promenade fantasmée dans trois régions de France, l’Auvergne, la Bretagne et la Normandie, j’associe une allégorie féminine, chaque fois différente, à chacune des contrées visitées. C’est en même temps un itinéraire initiatique, qui, depuis la chaleur maternelle, passe par l’éveil au monde, puis l’aventure… D’autres régions en vue, associées à d’autres figures, pourront faire l’objet de tomes ultérieurs.

Je ne crois pas que cette idée ait jamais été exploitée jusqu’à présent, sauf peut-être, de manière effleurée et par la bande, dans un film d’Eric Rohmer intitulé Conte d’été. Je pense que c’est justement parce que mon texte est hors du temps, plutôt daté ou même suranné, s’inspirant du romantisme tardif de Charles Nodier par exemple, qu’il peut surprendre, paradoxalement rafraîchir et dépayser. Rêverie déjà en soi, il peut coïncider avec un imaginaire déjà existant : celui de la géographie réinventée des écrivains-nomades, des princes-voyageurs, des Larbaud, Cendrars et autres Tesson, ou des simples promeneurs.

C’est une géographie ici combinée avec un thème d’essence éternelle, la Femme dans ses différentes facettes, ou la féminité éternelle, justement à une époque où cela tend à être perdu de vue.

Extrait

Lorsqu’en venant du Midi torride je traverse les causses lozériens et peu après, après avoir traversé la Margeride, aperçois le viaduc de Garabit de Gustave Eiffel hésitant entre l’incarnat tendre et le lie de vin passé, ou peut-être entre la réminiscence d’une splendeur écarlate et la teinte appelée autrefois cuisse-de-nymphe-émue (je tâtonne pour caractériser sa teinte actuelle), me voici ivre et euphorique, lancé sur les routes bordées de conifères et de coteaux et où l’horizon riant, jusqu’au plateau du Cézallier, propose à l’envi, aussi loin que nous porte le regard, ses jeux de saute-mouton verdoyants et vallonnés. Je ferme les yeux à nouveau et me retrouve cette fois-ci sur les chemins sauvages du Velay. Là, de Brioude et vers la Chaise-Dieu, pays du parfait à la verveine, et jusqu’aux frontières de l’Ardèche, du côté du Mont Mézenc, je file, nez au vent, toujours guetté par des grands yeux tendres, protecteurs et complices, qui, du fond de l’azur, me surveillent. Plus tard, si je le souhaite, je reviendrai d’Aubenas, en Vivarais, vers le beau village de Pradelles, en Haute-Loire, puis de Pradelles vers Mende, l’une de mes deux ou trois routes préférées parmi toutes celles que je connais. Une mère, vraiment. Je me répète au risque de paraître un tantinet radoteur : elle vous attend au seuil de sa maison, à côté de la grange et du lavoir, et quand vous voilà enfin dans ses bras elle vous enserre de toutes ses forces.