L’intelligence humaine nous différencie-t-elle des plantes et des animaux ? Serait-elle transcendante, venue d’une super conscience cosmique ? Pour certains de ses promoteurs, l’Intelligence Artificielle aurait pour mission de rendre le cosmos plus conscient. Cela voudrait-il dire qu’il fut longtemps stupide avant notre apparition ? Entré par effraction dans le congrès de l’UGI (l’Unique Gouvernement International) dans lequel le MIT (le Mouvement d’innovation Transhumaniste) tente de s’imposer, Virgile mène l’enquête. De l’intelligence des particules à l’IA, il cherche à comprendre les formes d’intelligence venues de l’intérieur de la matière et l’émergence de notre conscience humaine. Car la question se pose : issue de notre intelligence animale, l’IA pourrait-elle se transformer en une Bêtise Artificielle à cause de notre intelligence collective ? Cette fiction, qui pose des questions sur l’intelligence, la conscience et les dangers de l’IA, se lit comme une enquête policière.

La salle était immense et les dessertes, qui regorgeaient de nourritures matérielles, appâtaient le chaland. Maugréant ou riant, tous s’étaient retrouvés dans le grand hall central au plafond surchargé d’un décor dix-huitième. Réunis en congrès, les uns aspiraient bruyamment leur cocktail framboise-goyave à travers des pailles recyclées pendant que d’autres papotaient à grand renfort de gestes dans un brouhaha de tous les diables que rien, en ce bas monde si bien élevé, n’aurait pu atténuer. La foule, fatiguée des sièges
inconfortables, s’était répandue, juste après la première session du congrès, comme une vague déferlante pour prendre d’assaut le buffet regorgeant de victuailles. Il y avait ici, en présentiel, tous invités par l’UGI – l’Unique Gouvernement International – les principaux représentants de la super-intelligence planétaire.
Des vétérans viandards venaient de se mêler aux tout derniers végans contestataires, mais tous s’étaient jetés sans distinction sur les petits-fours dînatoires. De leur côté, quelques chercheurs du MIT, ce Mouvement d’Innovation Transhumaniste, spécialisés dans la mythique Intelligence Artificielle, semblant tout droit sortis de bits interplanétaires, s’activaient en parlant un langage binaire. Un peu plus loin, quelques bien trop discrets chercheurs en neuroscience réfléchissaient tout en déglutissant leurs petits-fours d’une manière mécanique, ce qui
avait pour effet d’activer la partie non consciente de leur cerveau. D’autres en distanciel, dont la cervelle semblait directement branchée à des écrans géants, articulaient quelques propos inconsistants, car on pouvait couper le son, ce qui avait quelque avantage. « Et tout cela pesait son poids d’inconséquence. Ça, vous pouvez me croire », persifla Virgile à voix basse, passé incognito au travers du filet des gardiens de ces cerveaux experts. Virgile, pour les besoins de son enquête, et bien que n’aimant pas les cocktails aux goyaves, était censé couvrir l’événement à propos de toutes les formes d’intelligence que l’on pouvait répertorier de par le vaste monde. Comment aurait-il pu s’intéresser à la question sans assister au symposium des plus brillants représentants de notre espèce exceptionnelle ? Aussi était-il entré par effraction dans ce cercle fermé à l’aide d’un sauf-conduit bien évidemment falsifié, sinon rien de tout cela n’aurait jamais filtré et vous n’auriez rien su de ce qui s’était passé.