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Ce récit n’est pas une glissade sur les rails d’une histoire, la littérature n’est pas que « raconter des histoires », c’est aussi un questionnement, une promenade dans le jardin des sentiments. Chacun des personnages est au-delà de l’individu, il est questions, contradictions, hésitations, sentiments complexes. Ce récit est leur récit, peut-être aussi celui de la lectrice, du lecteur, ainsi qu’il l’est pour l’auteur.

Les personnages, trois hommes, quatre femmes essentiellement, sont intelligents, cultivés. Ce cheminement dans une sorte d’Olympeion, est sans doute loin de la société quotidienne : l’auteur ne veut « faire du Bourdieu », mais analyser des sentiments, des pensées, en les dégageant du « bain social » où nous sommes tous plongés. Il commence par une réflexion sur la mort, puis déroule un panorama de sentiments, dont ceux éprouvés par le « héros », Charles, homme dans la septantaine, entouré de gens beaucoup plus jeunes. C’est une « ambiance » dans laquelle l’auteur propose au lecteur de se plonger.

Extrait

« Laura entra dans le restaurant, attirant d’admiratifs regards, sans doute quelques vieux messieurs voyaient-ils en elle la fille idéale qu’ils auraient aimé avoir, quelques dames d’âge avec le pincement propre au regret d’une jeunesse passée. Elle fut accueillie avec des sourires par l’équipe du restaurant, alors que Charles se levait, ainsi qu’il le ferait à chaque fois qu’elle se lèverait, les formes de l’éducation sont marques de respect et d’admiration.

Pratiquant le théâtre, parmi ses multiples passions, Laura avait une démarche, un port, qui ne pouvait que marquer l’observateur ; elle ne passait inaperçue, au-delà même de son intense beauté. Rien n’était banal dans cet instant, Charles eût souhaité que le temps s’arrêtât, mélange de l’apparition corporelle et de l’esprit qui planait avec elle, sur eux. Il eût presque entendu en sa tête un chœur du théâtre grec ancien, accompagnant cette entrée. Exception des êtres chers, subtile chimie des sentiments, ricanement amical de la Mort à l’oreille de Charles, tout cela en fine percolation entre ses neurones.

Laura était heureuse de voir Charles. Avec sa grande finesse, elle mesurait les sentiments qu’elle lui inspirait, par-delà leur très grande différence d’âge, en était flattée, émue de cette tendresse qu’elle éprouvait aussi. Ils se connaissaient maintenant depuis quelques années, et Laura avait accepté cette affection dont elle était l’objet, qu’elle rendait, avec un clin d’œil amusé à un sentiment que les âges rendaient inconcevable à transformer en autre chose qu’un amour platonique, digne des romans de Madame de Lafayette. L’ombre au-dessus de Charles, noircie par les ans qui passaient, l’émouvait, éveillait la crainte d’une disparition certaine mais non-programmée, précoce nostalgie. La rencontre entre Laura et Charles, cinq ans plus tôt, avait été une réussite, un surprenant éclair dans l’incertitude où elle se trouvait à l’époque. »