Armand et Rose sont nés en 1895 et se marieront ensemble après avoir eu des débuts de vie d’adulte compliquée. Lui est pêcheur en Seine et passeur d’eau et divorce avant d’épouser Rose qui elle est bonne à tout faire chez une épicière rouennaise et mère célibataire, mais ils s’aimeront profondément et auront ensemble neuf enfants. Ils devront traverser bien des périodes difficiles : des guerres, une santé précaire et la pauvreté.
La présence de la Seine dans ce roman est importante comme un personnage à part entière, car la vie d’Armand et de Rose est intimement liée à celle du fleuve. Le lecteur peut suivre son évolution industrielle et physique et découvrir jusqu’à quel point la Seine est présente.

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Extrait

Le rebouteux sans se préoccuper de l’avis du médecin s’approche au-dessus du lit de la petite fille :
« La fièvre est tombée, mais l’mal est dans sa tête, je vais tenter de l’en chasser ».
Sous les yeux médusés de la mère, mélangeant magie et prières, il fend en deux parties, à l’aide de son couteau à la lame abîmée par les multiples usages campagnards, le pigeon mort, mais encore emplumé. Il applique les deux parties du cadavre de l’animal de ses mains crasseuses sur la tête nue de l’enfant pendant quelques minutes. Les entrailles ensanglantées dégoulinent sur les fines boucles blondes de la chevelure enfantine. Les paroles qui jaillissent de sa bouche sont impératives et ordonnent au mal de quitter le corps de l’innocente enfant. Sa voix est puissante, et pétrifiante pour la pauvre mère.
Le vieux semble affaibli par l’énergie dépensée dans l’acte effectué.
« Maintenant, Eugénie, lavez-lui abondamment la tête et essuyez-la d’un linge blanc et propre. » Dit-il d’une voix adoucie.
Armandine ne pleure pas. Le sang a coulé sur son nez, ses joues, ses yeux, mais elle ne réagit pas. Tout en la nettoyant d’un premier linge immaculé bientôt rougi, la mère cherche à capter le regard de la petite.
« Armandine, regarde-moi ! Regarde maman ! »
Eugénie l’essuie d’un deuxième torchon blanc et continue d’interpeller son bébé, mais celui-ci ne semble pas entendre. L’enfant regarde au loin, à travers la fenêtre, plus loin que les nuages, très loin, bien trop loin pour pouvoir revenir auprès de sa mère.
Le père Léonard jette le premier linge souillé dans la cheminée et les bûches incandescentes se mettent à crépiter.
« C’est d’bon augure ! »