Afin de tirer un trait sur ma vie professionnelle, je me suis mise en tête d’écrire mon autobiographie. Les quarante années passées à soigner, accompagner la fin de vie des aînées, m’offrent la légitimité à transmettre un témoignage ancré dans la réalité du terrain.

Jeune retraitée, j’aspire aujourd’hui à voyager dans le temps, à parcourir les étapes de mon parcours, à mettre en mots mon histoire. Lectrice acharnée, je tente à mon tour l’aventure littéraire, tout en prenant soin de mettre à distance mes réflexes d’écrits infirmiers, concis et ciblés.

Le premier chapitre de ce récit autobiographique contextualise la naissance et l’enfance de la narratrice. Les chapitres suivants projettent le lecteur dans l’univers du grand âge, de la dépendance, au travers d’anecdotes réalistes vécus au sein d’établissements ou à domicile. Pas de jugement, quelques brins d’optimisme, et beaucoup d’humour.

∗∗∗∗

Extrait de Re-naissance de Marie-France Guillou

1

– La Naissance-

Je suis née à Brest en mai 1958, le général De Gaulle préparait la Vème république (constitution tant décriée aujourd’hui) ; période d’après- guerre, dans une ville en pleine reconstruction mais portant encore les marques de souffrance d’une folie guerrière.

Cette naissance : un petit miracle, un vrai pied de nez à la science ! Quelques semaines après ma conception, un médecin demande à ma mère de pratiquer une interruption médicale de grossesse. La formation de calculs biliaires entrave la bonne marche de cette gestation. Un geste chirurgical invasif fait craindre des perturbations au niveau du développement fœtal. Mais, c’est sans compter sur le caractère téméraire des bretons.

Miracle pour ma mère, mais déception pour mon père, qui après la naissance de deux filles, désire ardemment la venue d’un garçon. Finalement, l’héritier pointera le bout de son nez trois ans après, d’où mon questionnement resté sans réponse : sans la survenue de cet évènement, la famille aurait-elle continué à s’agrandir ?

Comme la plupart des brestois, à cette époque, mon père travaille à l’arsenal, « l’Arsouille » en langage brestois. Il embauche à la porte « Cafarelli » (du nom du premier préfet maritime de Brest), une des portes d’entrée de l’Arsenal, qui en compte sept sur la rive droite. Lieu emblématique, n’échappant pas à la moquerie locale, essentiellement de la part de jaloux n’appartenant pas à cette communauté.