Entretien avec Julien Lipovac auteur Des ovocytes sous les tropiques – Un parcours de PMA
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
Quand mon livre est enfin paru, j’ai ressenti une immense fierté, mêlée à une certaine appréhension. C’était un moment intense, chargé d’émotions contradictoires. D’un côté, la satisfaction profonde d’avoir mené à terme un projet complexe, pensé du début à la fin, depuis l’idée jusqu’à l’édition. De l’autre, une forme de doute : ce sentiment d’imposture de livrer un témoignage, sans être écrivain ou issu du monde littéraire.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Les premiers retours ont été très encourageants et profondément touchants. Plusieurs lecteurs m’ont confié qu’ils s’étaient sentis interpellés par certains passages, parfois même émus, ce qui m’a beaucoup touché. Beaucoup ont salué la fluidité de l’écriture, sa sincérité et sa justesse. Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est que des amis et des membres de ma famille m’ont dit avoir mieux compris, à travers ce livre, le temps que ce parcours avait nécessité, sa complexité et les épreuves qu’il a impliquées — même à distance. Cela m’a conforté dans l’idée que ce témoignage avait su trouver sa place, toucher, éclairer, et parfois même ouvrir des discussions que nous n’avions jamais eues autrement.
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
L’expérience d’édition m’a profondément appris la rigueur, la patience, et surtout, l’importance du regard extérieur. Entre la première version que j’avais achevée et celle qui a été finalement publiée, il y a eu un véritable travail d’affinage, de clarification et de reformulation. Les équipes des éditions MAÏA ont été présentes à chaque étape, avec un accompagnement précieux, bienveillant et structurant.
L’un des aspects les plus exigeants a été le processus de relecture : relire quatre, cinq fois — voire plus — son propre texte, traquer les erreurs, corriger des formulations, réécrire des phrases dont le fil était parfois difficile à suivre. J’écris souvent « en automatique », dans un flux d’idées que je couche sur le papier sans filtre, que je retravaille ensuite paragraphe par paragraphe. Ce mode d’écriture demande du recul : après chaque lecture, je modifie à nouveau certaines tournures, affine le rythme ou ajoute des nuances. Il y a eu des temps de pause nécessaires, parfois de plusieurs mois, qui m’ont permis de revenir au texte avec un regard neuf. Parfois, des souvenirs oubliés refaisaient surface – et trouvaient alors naturellement leur place dans le récit.
L’étape des illustrations a, quant à elle, été un moment particulièrement agréable et créatif. J’ai dû imaginer des scénarios détaillés pour que l’intelligence artificielle générative puisse m’accompagner au plus près de l’idée que je souhaitais transmettre visuellement. Mais même si l’IA peut être un outil d’appui, seul l’humain, avec sa sensibilité et sa mémoire intime, peut vraiment exprimer ce que l’on porte en soi. À aucun moment, elle ne remplace le flux de pensée intérieure, ni l’émotion qui le traverse.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Je pense que l’originalité de mon livre réside d’abord dans son ton : une écriture volontairement simple, directe, presque comme si l’on discutait entre amis, ou même face à soi-même dans un moment d’introspection. J’ai aussi choisi de raconter cette expérience au second degré, en apportant une touche de dérision et d’humour à un sujet pourtant délicat. Ce décalage a été pour moi une manière de rendre le récit plus accessible, plus humain, et de montrer que même dans les passages difficiles, on peut garder une forme de légèreté.
Une autre originalité tient sans doute au point de vue adopté : celui d’un homme. Rares sont les récits de pères sur ce sujet, comme si la PMA (procréation médicalement assistée) était une affaire exclusivement féminine. Dans certains groupes de discussion, les hommes ne sont même pas les bienvenus. Pourtant, ce parcours ne peut se vivre qu’en couple, dans une alternance de moments d’arrachement, de fusion, de tension et de solidarité. Bien sûr, tout tourne autour du corps de la femme, qui est au centre des traitements et de l’attention médicale. Mais l’homme, lui aussi, vit ce parcours, ressent, observe, soutient — et parfois souffre en silence.
Dans notre cas, nous avons dû faire face à des difficultés partagées. Quand un médecin vous dit que chacun a ses problématiques, il devient évident que le poids ne peut reposer uniquement sur les épaules de la femme. Elle porte déjà tant à travers son corps ; il faut aussi reconnaître et valoriser l’importance du soutien émotionnel et psychique du partenaire.
D’après les retours, cette singularité a été perçue. Plusieurs lecteurs m’ont confié que le livre les avait « surpris », à la fois par sa sincérité, son ton inhabituel, et ce regard masculin trop rarement exprimé. Pour moi, c’est l’un des plus beaux compliments.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Mon travail d’écriture s’est construit dans l’irrégularité, mais avec une vraie sincérité. Entre le travail, les enfants, les sorties, les imprévus du quotidien, j’écrivais un peu quand je le pouvais — tôt le matin, tard le soir, ou même entre deux rendez-vous. Ce qui comptait, ce n’était pas la quantité de temps, mais l’intensité de l’instant. Il me suffisait parfois de quelques minutes pour retrouver cet état presque suspendu où l’on a l’impression de vivre ce que l’on écrit.
J’utilisais tout ce que j’avais sous la main : le bloc-notes de mon téléphone, un bout de papier, un document Word ouvert à la volée. L’idée surgissait, je la notais — puis je la développais plus tard, quand le moment se prêtait à l’écriture.
Je n’avais pas de méthode figée, mais j’avais une règle essentielle : ne pas me mettre de pression. Le processus a pris plus de deux ans. J’ai voulu m’autoriser le droit de prendre le temps. Il y a eu une phase d’écriture lente, libre, intuitive. Puis un autre temps, celui de la recherche d’un éditeur, d’un accompagnement. .
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
Oui, absolument. Mais… chut ! Il ne faut pas trop en dire. Sortira-t-il un jour ou pas ? C’est encore un mystère que j’entretiens avec plaisir. J’aime ces instants d’écriture où je plonge dans le texte comme si je vivais vraiment ce que j’écris — en apnée dans une autre réalité.
Mon prochain projet sera très différent : il ne s’agira plus d’un témoignage, mais d’un roman. Un roman onirique, d’aventure, où l’imaginaire pourra se déployer librement. Il est déjà bien avancé… peut-être deviendra-t-il une trilogie, ou peut-être non. Je préfère me laisser guider par le fil de l’histoire et voir où la fin me conduira.
Tout ce que je peux vous révéler, c’est le tout début. Le roman commence ainsi :
« Je suis debout, face à la mer. Le vent soulève à peine la surface de l’eau, limpide comme du verre. À deux cents mètres, la barrière de corail trace une ligne bordée de vagues, là où l’eau change de teinte. Autour de moi, la plage de l’Ermitage s’étend, bordée de filaos et de sable chaud, sur plusieurs kilomètres. Le rivage s’éloigne déjà de mes pensées. »
Ce début, pour moi, marque une ouverture vers une nouvelle forme d’écriture plus sensorielle…
Julien Lipovac auteur du livre Des ovocytes sous les tropiques – Un parcours de PMA disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.