Entretien avec Michel Diard  – Journalistes, brisez vos « menottes de l’esprit »

Entretien avec Michel Diard – Journalistes, brisez vos « menottes de l’esprit »

Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?

Différents sentiments se sont bousculés et m’ont bousculé. De l’émotion comme à chaque moment de naissance, avec un zeste de fierté aussi. J’ai connu un autre moment fort, celui du soulagement d’avoir pu aboutir à jeter en pâture au public une partie de moi-même à l’issue de très longues réflexions et recherches.

Mais bientôt la crainte des réactions des lecteurs m’a envahi : comment vont-ils accueillir mon livre ? Vont-ils adhérer ou, au contraire, rejeter mon analyse de la situation de l’information en France ?

Ensuite, j’ai connu un sentiment de doutes, presque un sentiment de peur ; est-ce bien ce que j’avais écrit qui est là devant moi ? Les idées que j’ai développées sont-elles pertinentes ou me suis-je fourvoyé ?

On ne sort pas indemne de ces moments-là où des sentiments ambivalents s’entrechoquent…

Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?

Les premiers retours ont été chaleureux, parlant de travail exhaustif et de vision juste. Des phrases qui rassurent un auteur engagé qui se livre corps et âme dans un long combat pour une information de qualité à délivrer aux citoyens.

Ils m’ont réconforté et j’attends surtout les prochaines, même si elles ne sont pas aussi enthousiastes, même si la critique est acerbe.

J’attends avec impatience les premiers détracteurs, pour engager le débat.

Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?

Cette expérience a connu un moment collectif particulièrement enrichissant ; les appels aux amis et connaissances pour aboutir à l’édition, s’ils sont stressants, révèlent une communion d’esprit. Tous sont tendus vers le même but et je dirais que tous ensemble nous avons relevé un défi sociétal actuel : la liberté d’expression a un coût, mais le combat vaut la peine d’être mené. Il ne faut jamais abdiquer.

Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?

L’originalité a toujours des limites, mais je pense avoir montré que la liberté de l’information est un combat de toujours et de longue haleine. J’ai mis au jour que le système libéral est l’ennemi de la liberté d’expression tout en abreuvant les citoyens d’un flot d’informations en continu imposant une vision du monde conforme aux intérêts des oligarques qui ont fait main basse sur les médias.

J’ai également explicité l’extraordinaire pouvoir des GAFAM sur les choix éditoriaux et j’ai expliqué comment la capture cognitive, selon l’expression de Joseph Stiglitz, est le pire ennemi des journalistes en leur passant des menottes, souvent à leur insu.

Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?

Mon travail d’écriture est toujours pénible ; je suis en permanente interrogation : suis-je clair ? Est-ce le mot juste ? Ai-je évité les redondances ? J’écris directement sur ordinateur et j’efface pour reprendre et reprendre encore pour arriver à trouver les mots et la phrase justes. Je n’imite pas le ‘’gueuloir’’ de Flaubert, mais je n’en suis jamais très loin. Sans vouloir prétendre l’imiter ou, moins encore, être son égal ; restons modestes, la comparaison s’arrête là. J’aime que les phrases, au-delà de la justesse des idées, claquent et interpellent le lecteur.

Je n’ai pas de méthode d’écriture particulière, mais je travaille beaucoup avec le dictionnaire et le Bescherelle. Méticuleusement.

Suprême coquetterie, j’adore travailler tôt le matin, en pyjama quand les idées sont encore claires…

Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?

Mon prochain livre est déjà en chantier. J’ai commencé à y travailler à peine le précédent terminé. J’ai une soif de communiquer à assouvir.

Il s’agira là encore d’un essai sur ce que des chercheurs ont appelé la plateformisation de la société et les dangers que la privatisation des technologies numériques fait courir à la démocratie.

Mais le chemin sera long !

Michel Diard, auteur de Journalistes, brisez vos « menottes de l’esprit », disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.