Entretien avec Monak – Le sang du corail
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
Je suis partagée entre plusieurs sentiments : d’abord, le fait que LE SANG DU CORAIL ait été sélectionné par le comité de lecture des Éditions Maïa pour être publié constitue en soi une caution de qualité au niveau de l’écriture.
Ensuite, que la seule édition à qui j’ai envoyé mon tapuscrit décide très vite de me publier m’a confortée dans mon choix de poursuivre dans ma fonction d’écrivaine.
En même temps, l’édition représente un véritable appui concernant le mode personnel que j’ai engagé de raconter de façon romancée une histoire vraie, contemporaine, sur un sujet controversé. Et dans un pays d’Outre-Mer que la métropole connaît peu : Tahiti.
Enfin et tout de même : à la parution du SANG du CORAIL, s’est posé pour moi un problème de conscience. Face au personnage-clé du récit, en chair et en os, présente et cosignataire à la séance de dédicace à la Librairie Klima de Papeete : avais-je été fidèle à l’essence même de sa personnalité ? Ne l’avais-je pas trahie, emportée par le feu de l’écriture ?
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Certains lecteurs ont adhéré en partie au parcours du personnage et se sont scandalisé de l’exclusion que subit une frange marginale de la population en Polynésie, comme en France. Ils ont découvert la réalité sordide que vit une minorité de leurs semblables, de l’enfance à l’âge adulte.
D’autres cherchaient la réponse à leur interrogation sur la transidentité.
Un réalisateur, enfin, a décidé d’en faire un film.
De l’avis des lecteurs, même si le thème de la transidentité et de son revers la transphobie est tendance, le livre ne joue ni la carte du racolage, ni celui du voyeurisme. Il parle transgenre de l’intérieur… En évoque les doutes, le difficile itinéraire, semé d’embûches qui parfois mène au suicide ou à la révolte.
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
Les éditions Maïa ne sont intervenues en rien sur ma façon d’écrire. Au contraire, elles ont admis la latitude avec laquelle j’use de la langue française et de ses particularismes polynésiens.
Elles ont été présentes à chaque étape de la confection et de la mise en page du livre.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
La 1ère originalité de ce livre, d’après ce que j’ai pu entendre, c’est d’avoir osé bousculer les certitudes des bien-pensants polynésiens… et des intégristes de tous bords. Avec ce livre, je ne me suis pas fait que des amis.
La seconde c’est de n’édulcorer en rien les événements, c’est d’avoir contribué à faire entendre la voix de ceux qui ont peur de prendre la parole pour parler d’Elles. Car Elles en sont privées. Leur voix est étouffée par une société qui se sert d’Elles – pour ne pas dire IELS-, tout en les méprisant ou les dénigrant.
Il est intéressant que ce livre figure dans la « collection Témoins », dans la mesure où toute péripétie est avérée… et lui confère sa dimension de réflexion sur la société et ses dérives…
Enfin, peut-être que l’originalité de ce livre tient dans un récit à deux vitesses : celle de la vivacité du personnage, de la violence des situations, de l’utilisation d’un registre de langue familier, voire trivial pour toute situation de rue… De l’autre, la prise de distance du narrateur, qui répugne à s’imposer et laisse la place au lecteur de prendre le parti qui lui convient, tout en inscrivant le récit dans une incitation à se positionner.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
C’est d’abord le choc émotionnel qui me bouscule avant d’écrire. L’histoire s’introduit en moi : avec ses images, ses flashs, ses personnages, ses couleurs, ses atmosphères, ses lieux… Elle me submerge et moi je leur cours après pour ne manquer aucune bribe de sensations ou de faits.
Je l’attrape au vol, en transcris les termes au gré d’une musicalité intérieure qui me dépasse. Mes personnages ont tendance à me coller à la peau, et au point final du livre, je me sens délivrée.
Puis j’élague, je trie. Je vérifie la véracité de la mise en forme du propos, l’objectif que veut atteindre le livre, à savoir : rendre compte d’une réalité difficile à vivre, interpeller ceux qui y sont insensibles, les provoquer.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
J’ai déjà le sujet du prochain livre : tout comme celui-ci, il touche des problèmes de société. Mon entourage, proche ou inconnu, m’offre un panorama inépuisable.
Mais j’envisage davantage d’humour même pour une thématique aussi dramatique que celle du SANG DU CORAIL.
Monak, auteure de Le sang du corail, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.