L’incertitude des contretemps

d’Emmanuel Chesne

L’auteur commence par écrire des histoires sur les étoiles pour animer des séances de planétarium. Il continue avec plusieurs spectacles : Le beau temps menace, Sous quelle étoile suis-je né ?, La théorie du pyjama et Pi : le nombre à deux lettres. Sa passion pour la musique se retrouve dans son écriture. Son goût pour les mots s’entend dans les chansons qu’il écrit. L’incertitude des contretemps est son premier roman, né sur les routes lors de son dernier périple.

Il vous est proposé de participer à la naissance de ce livre en nous aidant à faire de sa parution prochaine avec les Éditions Maïa, un succès. Plus les préventes seront nombreuses, plus il sera promu et diffusé. En retour, vous y graverez votre empreinte et y serez mentionnés en page de remerciements (selon accord). Vous recevrez ainsi le livre en avant-première, frais de port inclus !

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L’incertitude des contretemps est venue par hasard. J’aime faire naître les personnages et les laisser vivre pour voir où ils m’emmènent. C’est en écrivant que l’histoire se construit et celle-ci m’a conduit à travers les souvenirs d’un ex-punk rocker quinquagénaire, membre fondateur des « Alcoolik’s Child », pour qui tout allait bien jusqu’à ce qu’un fantôme du passé vienne l’informer qu’il a raté sa vie. Avec l’aide de Zébu, son ami d’enfance, et de Lactel, fan de la première heure, notre héros mène l’enquête pour comprendre là où les choses ont dérapé.

Si le texte se nourrit de mes expériences de groupes, il se veut également une réflexion sur l’évolution de notre façon de percevoir le passé à mesure que la vie s’écoule. J’espère qu’il saura vous surprendre et que vous plongerez dedans comme un spectateur qui monte sur scène pour s’envoler dans le public. Car il est écrit, en préambule de l’évangile selon Lactel : « Au départ, il n’y avait rien, puis Dieu jeta Jésus dans la foule ».

Extrait de  L’incertitude des contretemps  d’Emmanuel Chesne

Lactel est une des rares personnes sur cette Terre à avoir bu un verre au Pachakanak. À vrai dire, c’est la première personne que je rencontre qui y soit jamais allée. Le Pachakanak était un vieux rade situé au bout d’un quai pavé sur les bords du canal de l’Ourq. Certains le situaient à Pantin, d’autres à Stains ou Noisy-le-Sec. Il était tenu par un ex-légionnaire et une artiste contorsionniste qui avait lancé le couteau au cirque Médrano dans les années soixante. Ancienne buvette construite en 1936 par les ouvriers grévistes, il alliait la simplicité du décor à une optimisation maximale du mobilier. Le comptoir était une planche sur le bord de laquelle la patronne gravait une encoche au couteau pour chaque verre que vous buviez. Une fois l’addition réglée, elle taillait dans la masse pour effacer l’ardoise.
Pour faire simple, tout était à dix balles. Et pour simplifier encore, on y servait de la mauvaise bière et un rhum « arrangé » au goût indéfinissable qui macérait dans une grande jarre. Au Pachakanak, vous pouviez trouver des clopes de marques exotiques aux parfums venus d’ailleurs parce que le patron oubliait régulièrement de faire renouveler les stocks de Camel ou Marlboro et vous revendait ce qui lui restait. Comme il le disait lui-même : « au milieu de la nuit, personne n’a de marque de tabac préférée ». C’était un troquet mythique qui n’avait pas d’horaires d’ouverture précis, le bistrot fantôme dont la carotte clignotante guidait les initiés à travers la brume. Le sol était si collant de crasse qu’une fois bien installé au comptoir, personne n’avait la force de s’en éloigner. Le Pachakanak était le sujet de bien des rumeurs. On disait que les Béruriers noirs y avaient donné leur premier concert, certains juraient que Marc Police vivait encore et en était un fidèle client. Mais la meilleure était celle-ci : Manu Chao y avait loué une chambre secrète avec une télévision câblée dans laquelle il s’était caché pendant que tout le monde le croyait en Amérique latine. C’est là qu’il avait enregistré « Clandestino », juste avant la destruction du bistrot qui avait été remplacé par un centre de santé.
Lactel se marre.
– Je me souviens du jour où j’ai eu cette idée… Je n’imaginais pas que l’album allait cartonner à ce point….
Je freine un peu pour le regarder et essayer de comprendre ce qu’il veut dire par « j’ai eu cette idée ». Il me répond par une question.
– Tu y es déjà allé, toi, au Pachakanak ?
– Non, je n’en ai jamais eu l’occasion…
– Tu connais des gens qui y sont allés ?
– Des potes de potes…
– De potes de potes de potes… Des gens fiables, quoi.
Lactel est mort de rire et poursuit avant que je m’énerve.
– Le Pachakanak est à la race des bars-tabacs ce que le dahut est aux animaux nocturnes… Une grosse intox qui a tellement bien marché que certains sont vraiment persuadés d’y avoir bu un godet.
Il me fait un clin d’œil que je ne vois pas alors il me donne un petit coup de poing sur l’épaule.
Quand il a débarqué à Paris, tout le monde le prenait pour un naze parce qu’il ne connaissait rien, aucun des bars à la mode, pas de bistrot cool, zéro squats qui organisaient les concerts. Alors pour ne pas avoir l’air trop con, il avait fabriqué ses références et imposé le Pachakanak comme le plus hard-core des bars de nuit.

 

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