« Les contes de la chasse après la pluie » est un recueil de vingt et un courts récits, précédés d’un préambule et clos par un épilogue. Ce florilège de textes esquisse un chemin vers une tentative de sagesse qui passe par la raison du cœur.
Le narrateur, un humble chasseur à la fortune variable, évolue dans un environnement de croyances animistes, que l’on dénomme aujourd’hui cultures premières. Il vous y vous invite, à travers le prisme d’une pensée issue de la tradition chamanique, à jeter depuis cet autre point de vue un regard sur des thématiques contemporaines. Telle que la mémoire, la force de l’attachement, l’identité, la lignée des ancêtres, le pouvoir de création, les enseignements, les héritages et d’autres qui s’avèrent un peu plus sombre…
Une conscience en marche vers la joie d’appartenir à la beauté de l’Esprit-Monde. »

Extrait

La main gauche de la femme recouverte d’un gant orné de perles de rivière, frappe en cadence le tambour porté par la main droite. La surface de peau tendue vibre à un rythme régulier… Intense. Émet une fréquence répétitive qui soutient le souffle de l’homme passant dans la flute d’os creux à sept notes. Sous les masques de soie et de plumes ce sont les visages peints, figures animales noires et blanches qui les autorisent à porter le titre d’intercesseurs entre ce plan et d’autres, invisibles aux profanes. De la mélodie jouée par le couple un phrasé de grande amplitude se propage dans l’étendue du paysage, panorama qui défile en contrebas du haut cèdre sur lequel ils sont posés. Une mélopée apaisée qui contient les bribes d’une parole universelle qui se déclame note après note. Aux bouts des branches maitresses de l’arbre des rubans de laine crue tremblent dans l’agitation du vent venu d’orient. Une source claire qui jaillit d’une faille ouverte sur le côté d’une grande roche de granit argenté, posée au premier plan, participe à cette mélodie et les grands corbeaux d’habitude bavards, se contentent de sautiller en silence passant d’un bloc de pierre à l’autre comme s’ils répugnaient à toucher le sol. Au-dessus de la scène la voie lactée parsemée d’étoiles scintillantes qui apparaissent et disparaissent dans la couverture nuageuse, garantie une nuit propice aux rêves éveillés. Et quand la lumière de la lune percent les nuages pour découper les corps devenus silhouettes, un théâtre d’ombres offre la vision d’une humanité en lien avec les esprits protecteurs des lieux, ces fidèles serviteurs de l’Esprit-Monde.
Chacun des deux chamans attendait l’instant de bascule, la venue de la vision sacrée, celle qui sous-tend la transcendance de l’héritage ancestral. L’ouverture de la parole hybride qui défit le trop des contingences humaines, quand l’esprit transporté par la chimie du corps rejoint le seuil subatomique de la non pensée. L’ouverture à la puissance de la rigueur méditative inscrite dans le temps de la nuit passante : -tellurique, céleste-, au centre du plus intense secret.

Ce que nous nommons Amour et qui est à l’origine de l’Univers, l’énergie primordiale au cœur du vide…
Il, elle, basculent. Ne perdure que le souffle qui rejoint le souffle, au point zéro ils accueillent la grande respiration. Au-delà du trois fois neuvième royaume de la nuit finissante, un grand serpent vert glisse entre deux pierres d’obsidienne couvertes de rosée, ses trois yeux d’or étudient avec soin la quintessence des possibles.