L’Europe : l’être ou le néant ?

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L’Europe : l’être ou le néant ?

Jean-Paul Benoit et Michel Desmoulin

« L’Europe, l’être ou le néant. Un titre aux échos sartriens, mais avec un fond camusien. Un livre qui est plutôt sur une ligne plus proche du fédéralisme que prônait Camus en 1945 que de la révolution sociale de Sartre. Son contenu : un dialogue entre deux citoyens français et européens : d’un côté, mon ami Jean Paul Benoit, qui a vécu et collaboré avec moi durant ma Présidence du Parlement Européen a un moment décisif de notre histoire – la période qui va de la chute du mur de Berlin au passage à l’Union Européenne avec le Traité de Maastricht -. De l’autre, Michel Desmoulin, que j’ai connu en lisant son engagement et son témoignage.
D’emblée, c’est un livre intéressant à lire car il s’agit d’un dialogue socratique entre deux militants européens de longue date, qui s’expriment à partir de leur expérience d’architectes et maçons de cette grande et noble cause. »
Enrique Baròn Crespo
Ancien Président du Parlement européen

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Jean-Paul Benoit

Avocat au Barreau de Paris, ancien Haut fonctionnaire (ministères, Commission européenne), député européen honoraire, spécialiste des relations internationales.

Michel Desmoulin

Ancien Directeur général d’une grande entreprise, Président d’honneur de l’Union des associations des auditeurs de l’IHEDN, spécialiste des questions de politique étrangère et de défense, tient un Blog-notes (Blog Michel Desmoulin).

Débat conduit par Marie-Caroline Lopez

Extrait

« Non seulement l’Europe n’a pas été un antidote suffisant face aux nationalismes, mais on peut même se demander si elle n’a pas été un ferment de la montée de ces mouvements populistes ?

MD – Face à l’état d’esprit qui régnait chez ces nouveaux membres, les dirigeants européens n’ont pas su expliquer. Ils n’ont pas su les accompagner pour rattraper leur retard démocratique. L’antidote, cela aurait dû être la pédagogie pour contrer l’opacité des décisions, pour déjouer le jargon utilisé, tout ce qui était complètement abscons pour ces populations.

JPB – Je partage en grande partie ce qui précède. L’Europe a fait une démarche inédite vers son unité. On l’a déjà dit. Cette unité a été fondée sur le respect du droit et des valeurs démocratiques. Ce concept a été institutionnalisé par les six pays fondateurs, au sein d’un petit groupe. C’est toujours plus facile de trouver une cohésion quand on est peu nombreux. D’autant que ces pays avaient tous été bousculés et victimes, ensemble, dans leur histoire commune.
En ce qui les concerne, l’Europe centrale et de l’Est ont toujours été la proie d’empires et d’Etats plus puissants, tiraillées entre leur peur du grand voisin russe, et leur allégeance excessive à l’égard des Etats-Unis via l’Otan. On peut les comprendre : ils furent successivement soumis au nazisme et au communisme. Aujourd’hui, au nom de « l’efficacité » et de la peur de « l’invasion » des migrants, ils sont tentés de réduire les libertés et l’expression démocratique en contravention avec les principes de l’Union européenne.
S’ajoutent la lenteur des décisions, les galimatias technocratiques, l’opacité du système européen qui n’est pas réellement démocratique puisque la seule institution élue au suffrage universel a des pouvoirs réduits. Les nationalismes peuvent détruire l’Europe. Il faut les affronter.

Vous êtes d’accord pour dire que l’Europe a aussi servi de repoussoir à certains peuples et dirigeants tentés par le populisme ?

JPB – Est-ce l’Europe qui génère les populismes ? Tous les gouvernements d’Europe ont toujours eu tendance à se défausser sur l’Europe pour expliquer leurs propres échecs. Face au problème de l’immigration, par exemple, qui n’a jamais été traité convenablement au niveau européen, on attise les nationalismes, on attise les peurs. On trouve un bouc émissaire. C’est classique. Pour autant, je ne pense pas que cette crise détruira l’Europe. Elle oblige les pays fondateurs, qui ont une responsabilité particulière, à revenir aux sources, à réaffirmer leur engagement autour des valeurs qui ont fondé l’Europe. C’est la réponse que l’on doit apporter pour contrer les nationalismes et les partis d’extrême droite notamment en France et en Allemagne, où ils ont pour la première fois des députés au Bundestag.
Je suis certes préoccupé par ces dérives, et en même temps toujours plus convaincu que l’Europe reste, et restera, le seul antidote. Elle est un bien précieux qui a toujours progressé par crise. Il faut trouver un nouveau leadership politique et intellectuel à l’Europe : la survie de chaque pays est dans l’organisation d’une Europe unie qui s’affirme dans le monde. La Hongrie ou la Pologne doivent savoir qu’elles sont des marionnettes agitées par les deux marionnettistes Poutine et Trump qui mènent le même combat : tout faire pour dissuader, empêcher l’Europe de s’unir, car elle serait alors capable de compter dans le monde et d’être un acteur majeur de l’influence internationale. Steve Bannon et les hackers du Kremlin sont à la fois des chevaux de Troie et des virus anti-européens qui se délectent de l’impuissance de l’Europe et de la multiplication des partis extrémistes. Madame Le Pen et ses acolytes devraient enfin comprendre qu’en affaiblissant l’Europe, ils affaiblissent les nations qu’ils prétendent défendre. Ce sont de dangereux apprentis sorciers, dont la seule philosophie est celle de la peur. Malgré ce constat, je crois que la force de l’idée européenne l’emportera car il faut s’élever au-delà de la nation et de ce culte de l’identité qui nous étouffent.

MD – Je souhaite revenir à ce qui a conduit à cette rupture idéologique qui oppose deux visions différentes de l’Europe. Robert Schuman avait, dans son livre testament, eu ce pressentiment. Il avait beaucoup insisté, en bon MRP qu’il était, sur l’importance de la personnalité humaine, de l’écoute des peuples et de la pédagogie. Or, tout cela a été oublié petit à petit. Et cela a nourri l’exploitation populiste de la part d’un certain nombre de souverainistes, de Marine Le Pen à Viktor Orban, en passant par quelques autres. Cette faille dans la construction européenne, cette absence d’écoute et de respect des peuples abandonnés, a nourri le populisme. Donc, il n’y a pas d’autre antidote que de reprendre le plus vite possible les peuples en considération. C’est-à-dire de lutter contre les populistes par l’explication et non pas par la peur. »