Description
Paroles en l’air
Collision en plein ciel
Ce livre entrouvre le domaine restreint de l’aviation militaire et civile et aborde une facette méconnue de la Patrouille de France. Il fait également pénétrer une ambiance connue des seuls pilotes de chasse, avec leurs codes, leurs rites, leurs doutes et leur succès. Il entraîne le lecteur dans une véritable dynamique de réalité. Les mots sont crus, les joies sont partagées, les difficultés ressenties. Il fait aussi partager un drame impressionnant avec ses à-côtés finalement très banalement humains : un accident aérien spectaculaire qui bouleverse des vies et des relations.
Je suis profondément pilote, dans mon âme comme dans mes actes. Voler a toujours fait partie de ma vie, c’est ma respiration. J’ai choisi initialement le métier des armes parce que cela avait un sens, parce que les valeurs qui portent les Mirage et autre Rafale sont celles qui me constituent. Et puis, j’ai prolongé cette vie par la ligne comme s’il fallait adoucir les choses, m’en remettre à d’autres horizons, qu’ils soient humains ou terrestres. J’ai vibré sur les Andes, sur l’Atlantique, le Groenland, les déserts africains et les infinis de la Sibérie. J’ai vibré aux rencontres et aux paroles étrangères. Ce livre est comme un état des lieux de mon parcours, mais pas seulement.
« C’est la deuxième fois seulement que la patrouille tourne à Faraman, le long de la plage. Contrairement à Salon, où nous utilisons la piste classique de 2 400 m pour nous repérer et tenir un axe le plus rigoureusement possible, il n’y a rien de tel à Faraman. Il faut donc imaginer un axe fictif parallèle à la plage, qui puisse servir de repère : faute de mieux, ce sera le bout de la jetée. Pas génial. Allez, pas le choix, on fera avec, on en a parlé en détail au briefing.
La “synchro” débute sans attendre : à ce stade de la saison, nous commençons à enchaîner la série presque entière et sans interruption. Je repère en un clin d’œil sur la plage l’hélicoptère Écureuil qui a amené Michel et Vincent, le caméraman. Ils sont au point central théorique et seront le seul public pour aujourd’hui. Nous nous présentons face à eux en venant du large.
— OK, on est bien, on ne bouge plus, lançai-je à l’adresse de Georget sur la fréquence UHF* des solos.
Il me semble que depuis la reprise des vols après la trêve de fin d’année, pour Georget, tout est rentré dans l’ordre.
— Fumée… top, séparation… top !
Je vire souplement à gauche en ouvrant de 45 degrés au ras des vagues et Georget fait de même à l’opposé. Le Mistral est orienté perpendiculairement à l’axe de travail. Pas de correction donc pour contrer l’effet du vent, cette fois. Contrairement à ses repères habituels, Georget devra passer juste au bout de la jetée pour figurer l’éloignement habituel par rapport au public. Seul son cap fera foi, et là en revanche, il faudra tenir compte du vent de travers et corriger la dérive. Je sais que cela changera quelque peu la visualisation de notre croisement.
Après notre oreille* de retournement, nous volons maintenant face à face. Il me semble que le vent est plus fort que prévu : Georget semble en effet s’éloigner de moi vers la plage avec une forte dérive, comme s’il avait corrigé à l’excès. Il est cependant très discipliné et je ne doute pas un seul instant qu’il a pris le cap prévu, la bonne vitesse et la bonne hauteur. La visibilité est bonne mais cette fois, j’ai un peu de mal à estimer mon positionnement réel par rapport à mes repères de cockpit habituels. Après une rapide analyse, je referme au cap très légèrement vers Georget. Sa fumée blanche dérive nettement vers la mer. Il n’est pas encore situé au bon endroit du pare-brise latéral gauche de mon avion, un repère interne commode que je connais bien, mais ma correction fait son effet doucement. Ça revient, c’est bon, le croisement sera au moins centré même s’il n’est pas superposé.
— On ne bouge plus, annonçai-je à la radio. »