À propos de l’auteur

Fils unique, j’ai été élevé par une mère, gendarme, célibataire, qui avait un emploi du temps très chargé. J’étais donc souvent seul, depuis tout petit, et ai dû m’autonomiser et développer un sens des responsabilités dont je rencontre rarement l’équivalent. L’environnement militaire, dans lequel j’ai baigné, a renforcé ces tendances, et mon goût pour les réflexions pragmatiques, ancrées dans l’alliance des considérations éthiques, et du principe de Nécessité.
Dans l’Armée, il existe un précepte connu, qui devrait être cultivé partout : « Être prêt à faire soi-même ce que l’on demande à ses subordonnés. » Il faut pouvoir montrer l’exemple. « Le chef montre la voie, et est empathique et responsable à l’égard des autres. Il ne leur demande pas d’accomplir des choses qui seraient contraires à ses propres convictions. »
Alors, le progrès scientifique, médical… C’est très bien. C’est formidable. Et je suis féru d’en connaître à propos de tous ces progrès techniques. Mais toutes ces innovations ne sauraient amener un mieux sans le développement éthique, le cheminement spirituel, censés les accompagner.
Nous sommes tous mus par une philosophie, et une cohérence, plus ou moins développées, qui encadrent nos décisions et constituent notre « système de valeurs ». Ce système de pensées est-il construit à partir du réel, de la nécessité concrète, et ancré dans une philosophie belle et pragmatique ? J’ai remarqué qu’il n’est pas rare que non. Nombreux de mes contemporains sont dominés par des idéologies dont ils n’auraient pas la cohérence s’ils étaient pris eux-mêmes dans le tourbillon de la situation. C’est là que je vous envoie, au cœur de l’inattendu.

Pourquoi j’ai écrit cette pièce « Quand il s’agit de soi… » ? Pour que chacun s’interroge, en son âme, s’il est doté d’un si grand cœur… en trouvant à ses yeux, un sourire lumineux, même s’il venait à découvrir que ce n’est pas le cas, car un mauvais constat n’est pas la fin du résultat.

À propos de l’histoire
Motzi est dans une merde intersidérale. Son cœur est foutu. Il va bientôt mourir. Une seule solution : se faire transplanter un cœur de cochon. Le problème, pour lui, c’est qu’il est musulman. Et le cochon, c’est ralouf… D’autres sont des végans animalistes…
Cette pièce de théâtre illustre comment chacun s’arrange avec sa conscience, ses opinions, voire ses convictions, quand il se sent contraint d’y déroger, ou d’en prendre connaissance ; et comment celles que nous faisons peser sur autrui rejaillissent, tôt ou tard, sur notre propre vie.

L’intérêt de lire cette pièce, outre le fait qu’elle est aussi géniale et hilarante que je suis immodeste, est qu’elle se lit très vite et de façon très fluide (1 h 30 environ).
Son contenu et sa portée concernent tout le monde. Les végans, les antispécistes, les raloufeurs/ raloufiens (ceux qui parlent de « ralouf »), et le tout un chacun qui s’intéresse de savoir ce qu’il ferait dans cette situation ; et qui souhaite sonder les cœurs et les esprits de ceux qu’il croit connaître, ou désire rencontrer…

Ces 1 h 30 que vous allez passer à lire « Quand il s’agit de soi… » vous apporteront un plaisir et une compréhension susceptibles de vous faire convenir qu’il vaut bien d’être acheté en doubles pour en offrir à la brouette à tous ceux qui aiment jardiner leur âme.

Extrait

Chez le cardiologue
Le cardiologue analyse les retours d’examens. Motzi attend, inquiet.

Motzi — Alors ?
Dr Lacaille —Vous souffrez d’un déséquilibre mandibulaire de la valve corovésiculaire gauche, accentué par un foramen al basico thoracique de hanone.
Motzi — Euh… Ça veut dire quoi ?
Dr Lacaille — Absolument rien. C’est du charabia.
Motzi — Ah. Du coup, c’est normal que j’ai pas compris.
Dr Lacaille — Tout à fait.
Motzi —Et du coup ? C’est quoi le vrai diagnostic ?
Dr Lacaille —Un épaississement conjonctif du myocarde entraînant une dépression diasto-systolique, et une tachycardie chronique, causant aussi l’atrophie des autres organes, dont les tissus néphrétiques.
Motzi — Okay… Atrophie, ça j’ai compris… Et… du coup ? En clair ?
Dr Lacaille —En gros, c’est la merde. Votre cœur est foutu. Voulez allez mourir.
Motzi — Ah… Merde…
Dr Lacaille — Ouais, c’est chaud. Vous n’en n’avez probablement plus que pour six mois.
Maximum.
Motzi —Vous êtes sûr ?
Dr Lacaille — Hmm. Pour les six mois : plus ou moins. Mais sur le fait que vous allez crever dans les douze mois… absolument sûr. Vous avez une assurance cercueil ?
Motzi —De quoi ?!
Dr Lacaille —Le cercueil… Vous pouvez commencer à prévoir le cercueil. Pour les finitions vous préférez quoi ? Ils font des promos sur le merisier en ce moment. Mais c’est cher.
Motzi — Mais… Mais je m’en fous !
Dr Lacaille —Le mien, je voudrais qu’il soit en noisetier. J’ai toujours aimé le noisetier. Et les noisettes ! Tout peint en jaune, avec des petites taches brunes çà et là, comme un dalmatien.
Et avec un travail de ciselage un peu fin… Vous voyez ?
Motzi — Jaune avec des taches brunes ? Mais c’est moche !
Dr Lacaille — Ah bon ? Vous trouvez ?
Motzi —Mais oui. Mais, mais, mais… Mais, surtout, je m’en branle. Pourquoi j’entre là-dedans moi ? Vous avez fumé de la drogue ou quoi ?
Dr Lacaille – Ah non. Pas depuis hier.
Motzi — Bon… Vous êtes sûr que je vais mourir ? Comment vous le savez ?
Dr Lacaille – Ah oui. Rassurez-vous, vous allez mourir. Y a plus que six mois, maximum, à mon avis. C’est pas si long.