Texte inédit de Philippe Guichardaz – Baïkal – Mer sacrée
Retrouvez en exclusivité un texte inédit de Philippe Guichardaz auteur de Baïkal – Mer sacrée.
Bonne lecture !

I – Un livre sur le lac Baïkal, pourquoi ?
Voici la première d’une série de 6 rencontres que je vous propose pour vous faire découvrir que ça vaut la peine de publier un livre de vulgarisation scientifque sur ce lac – lac totalement ex-cep tion-nel et dont le sort concerne l’ensemble de l’humanité, puisqu’il est notre principale réserve d’eau douce non gelée.
Mais, d’abord, il est où ce lac Baïkal ? En Russie. Dans sa partie oriental, au-delà de l’Oural qui s’appelle la Sibérie. La Sibérie est immense . Et le lac Baïkal, au centre de la Sibérie, est plus proche, beaucoup plus proche de Pékin (moins de 2 000 km) que de Moscou (près de 5 000 km) C’est un lac très allongé dans le sens nord/sud, dont la partie nord se trouve au niveau d’Edimbourg et la partie sud au niveau de Londres.
En longitude, il est au niveau de Singapour…
Conclusion, ce n’est pas un lac du nord, mais un lac de l’est.
Et c’est très imporant pour son climat : il fait chaud, brièvement, en été, mais sacrément froid en hiver. J’y ai connu 4 jours d’affillée à – 40°….
Ces écarts de température s’expliquent parce qu’il est au cœur d’un continent, loin de l’Atlantique . Une masse d’eau, c’est long à se réchauffer et long à se refroidir , donc ça adoucit le climat des régions qui sont proches À l’inverse, une masse continentale, ça se réchauffe et se refroidit rapidement et beaucoup…. d’où, pour les régions sous influence continentale, de forts contrastes. De plages en été, bordées de pins, vous feront penser à la Méditerranée. Les photos de la banquise baïkalienne, en hiver, évoquent l’Arctique.
Mais, qu’a-t-il de si ex-cep-tion-nel qui mérité qu’on écrive un livre sur lui ? TOUT ! Mon livre vous fera découvrir que c’est le lac de tous les records (sauf celui de la superficie – il est au 7° rang par sa taille Caspienne, Lac Supérieur · 3. Lac Victoria · 4. Lac Huron · 5. Lac Michigan · 6. Lac Tanganyika).
À cette exception près, il bat tous les records :
volume, profondeur, âge, endémisme … et d’autres, dont je parlerai plus tard…. Baïkal Mer sacrée décrit ces records … et vous explique pourquoi ils sont liés entre eux, l’un étant la cause de l’autre. Je vais commencer par le record de volume. Ce sera l’objet du deuxième entretien.
II- La plus grande réserve d’eau douce, la seule à ne pas diminuer
23 000 km3 C’est autant que la Baltique, c’est sans comparaison avec le Léman : 89 km3. C’ est la plus grande masse d’eau douce non gelée du monde… On me dira : les glaciers de montagne représentent 110 000 km3, c’est à dire 5 fois plus… Mais…. cette réserve s’amenuise, très vite, avec le réchauffement climatiique. Les glaciers des Alpes n’en ont pas pour longtemps. Ils
perdront 1/3 de leur volume d’ici 25 ans (2050). La plus grande partie aura fondu d’ici 2100…. Le volume du Baïkal, lui, ne diminue pas ! Il tend même, très lentement, à augmenter, Baïkal Mer sacrée vous dit pourquoi
C’est parce que le Baïkal n’est pas un lac glaciaire, mais un lac de rift qu’il est si volumineux et si profond.
Les lacs alpins sont des lacs glaciaires, nés à la fin de la dernière glaciation,(-115 000 à -11 700) C’était il y a à environ 15 000 ans.
Le Baïkal est un lac de rift. Un rift, c’est un énorme fossé naturel résultant d’une fracture de l’écorce terrestre. Baïkal Mer sacrée montre par un schéma simplifié que le fossé naturel dans lequel s’est installé le lac Baïkal est le résultat de la fracture qui s’est produite à l’est de la plaque eurasiatique. C’était il y a 25 millions d’années. On parle de tectonique pour désigner les mouvements de l’écorce terrestre. Le Baïkal est un lac tectonique.
Les séismes, fréquents, qui secouent la zone du Baïkal, indiquent que le rift du Baïkal continue de s’élargir et de s’approfondir. Résultat : alors que les lacs alpins sont tous en train de se combler par les alluvions apportées par les rivières qui les traversent, le Baïkal, continue de s’approfondir : il reçoit d’énormes quantités d’alluvions, mais il s’approfondit plus vite qu’il ne se comble.
Dans ma troisième intervention, je parlerai des conséquences de cette ancienneté du Baïkal.
III – Conséquence de l’ancienneté du Baïkal, son extraordinaire richesse endémique,
Le Baïkal a 25 millions d’années. (petit rappel : les lacs alpins, 15 000 ans…) Les espèces, végétales et animales, qui y vivent ont développé des caractères spécifiques : elles sont endémiques. On en dénombre plus de 3 500, dont près de 2 500 animales. Baïkal Mer sacrée publie des photos de quelques exemples, du plus petit au plus gros : les miinuscules crevettes epischura baïkalensis éléments du plancton, qui ont joué un rôle considérable en se nourissant des déchets apportés par les rejets d’une usine de cellulose (dont je parlerai dans un prochain épisode !) . À l’autre bout de l’échelle, se situe le phoque du Baïkal, la nerpa à vrai dire néoendémique, parce que arrivée à l’époque de la dernière galciation. Il se distingue du phoque de l’Arctique par des griffes plus dures, adaptées à la glace d’eau douce, plus dure que la glace d’eau salée de l’Arctique. Vous découvrirez aussi une espècela très étrange, la golomianka littéralement « le poisson nu », ainsi appelé parce qu’il n’a pas d’écaille. poisson vivipare – une rareté – vivant dans les grandes profondeurs du lac. Autre espèce endémique, les éponges bleues, dont la couleur n’est toujours pas expliquée, découvertes au début des années 2 000.
Espèces végétales endémiques, dont vous verrez des photos dans Baïkal Mer sacrée, les « arbres sur échasses » de la baie de Pescanaya, aux racines déchaussées par les vents.
Nous avons vu que le lac Baïkal est le lac de tous les records.
Aux records que j’ai décrits, il faut ajouter celui de la plus grande bataille écologique du 20°siècle…
IV- La plus grande bataille écologique du 20° siècle : l’usine de cellulose de Baïkalsk
Un chapitre de Baïkal Mer sacrée est entièrement consacré à la question de cette usine de cellulose de Baïkalsk, à la pollution du lac qu’elle a provoquée et au combat mené contre l’usine. Un combat qui a duré de 1960 à 2013, soit un demi siècle, sans doute le plus long combat écologique du 20°s. Tout avait pourtant très bien commencé. Le 9 mai 1960 le gouvernement soviétique prend un décret sur : « la protection et l’utilisation des richesses naturelles du bassin du lac Baïkal ». Les mesures de protection concernent tout le bassin du lac Baïkal, c’est-à-dire un territoire presque aussi vaste que la France. La construction d’usines chimiques sur les rives du lac est évidemment interdite. Or, quelque temps après, la construction d’une énorme usine de cellulose est entreprise sur la rive sud ouest du lac. Elle donnera naissance à la ville de Baïkalsk. Le gouvernement soviétique a une idéologie productiviste. Le premier secrétaire du Parti communiste de l’Union soviétique, Khrouchtchev, déclare à qui veut l’entendre : « Le lac Baïkal, lui aussi, doit se mettre au travail ». L’annonce de la construction de l’usine va provoquer de vives réactions dans la communauté scientifique. Elle va jouer un rôle essentiel dans le combat écologique .
C’est le directeir du prestigieux Institut de Limnologie du Baïkal, Grégori Galazi, qui lance le combat en publiant dans la Komsomolskaïa Pravda, quotidien à très gros tirage, orienté vers la jeunesse, un article intitulé « Le Baïkal en danger » Le gouvernement ne cède pas, mais il a désormais en face de lui un mouvement d’opposition, qui ne faiblira pas, se renforcera dans la jeunesse et ne cessera de dénoncer la pollution provoquée par l’usine malgré les structures destinées à épurer les rejets. En 1990, un rapport de l’Institut de limnologie donne un état de la pollution : le lac est pollué sur une superficie de 170 km2,soit 0,54% de sa superficie (31 500 km2). C’est peu, mais c’est trop !
À partir de déc 1996 , le mouvement pour la protection du Baïkal s’appuie sur la décision de l’UNESCO d’inscrire le Baïkal sur la prestigieuse liste du Patrimoine de l’humanté comme « exemple le plus exceptionnel d’écosystèmme d’eau douce ».
Des questions financières vont précipiter les choses. En février 2013, un incendie dans l’usine révèle le vieillissement des installations. Les investisseurs, privés, hésitent devant l’énormité des frais de modernisation. Août 2013, fermeture de l’usine, puis démantèlement complet. Le site est en cours de réhabilitation et de recherche d’activités non polluantes.
Le Baïkal a été sauvé de la pollution industrielle, mais il doit affronter de nouveaux défis: celuii du tourisme et celui du réchauffement climatique
Ce sera le thème des deux dernières interventions.
V- Le Baïkal face au tourisme
La pression touristique sur le Baïkal est un phénomène récent. ais il est en forte expansion. Il s’agit principalement d’un tourisme « domestique », c’est à dire de nationaux. Mais les Chinois sont, de loin, le premier contingent de touristes étrangers. Au total, selon une estimation sérieuse, il y aurait eu 2,5 millions de tourisyes en 2024..
D’énormes projets d’investissements chinois sont en discussion.
Ce qui est certain, c’est que la pression touristique sur l’environnement est bien visible. Elle se manifeste par les effets immédiats de l’insuffisance des équipments de collecte et de traitement. Elle s’exerce pour l’essentiel sur une zone de superficie limitée, la « Petite Mer », entre l’île
d’Olkhone et le continentet. Mais l’ensemble du lac est touché, et ce par les déchets solides et les eaux usées, rejetés par les bateaux de croisière, de plus en plus nombreux.
Cette pression peut être éliminée, par l’augmentation et l’amélioration des équipements, mais aussi par l’éducation des touristes. L’une et l’autre sont en cours.
J’aborderai dans la sixième et derrnière intervention la question du réchauffement climatique
VI – La question du réchauffement climatique
L’idée du réchaufffement du Baïkal est très répandue. Mais elle n’est pas constatée scientifiquement.
Il y a bien un léger réchauffement des zones côtières de la Petite Mer, quand il y une série d’étés chauds.La température de surface peut atteintre + 18° ! Mais il n’y a pas pour autant de réchaufffement de la t° moyenne du lac. Et cela est dû à une particularité de ce lac de climat continet rude: son caractère dimictique. Dimictique, cela signifie que, deux fois par an, il y a brassage des eaux du lac.
En automne et au printemps, les eaux de surface, soumises à des vents froids violents, sont plus froides que les eaux qu’elles surmontent : il y a inversion thermique. Les eaux froides sont plus denses et donc, plus lourdes, s’enfoncent en profondeur. Elles ont un double effet bénéfique : 1- riches en oxygène, elles oxygènent les eaux profondes, y permettant le développement de la vie 2- eles refroidissent les eaux qui s’étaient quelque réchauffées…
Conclusion : tant que le lac sera dimictique, il n’y aura pas réchauffement du Baïkal. Pour qu’il ne soit plus dimictique, il faudrait qu la température la plus basse sur le lac ne soit pas inférieure à + 5° … Aucune prévision de ce genre n’existe, même dans les scénarios les plus pessimistes.
Aujourd’hui, le lac Baïkal, protégé de façon de plus en plus efficace, est le lac le plus pur du monde. Son eau est potable, sans aucun traitement !
Elles est du reste commercialisée et… recommandée pour les bébés !
L’auteur de ces lignes a toujours bu, lorsqu’il était sur le lac, son eau, puisée directement avec un seau.
Phillippe Guichardaz