Texte inédit de Bernard Wuthrich – D’une simple observation à une nouvelle
Retrouvez en exclusivité un texte inédit de Bernard Wuthrich auteur de Dans les nuages et autres nouvelles.
Bonne lecture !
D’une simple observation à une nouvelle
Mes nouvelles ont, presque toutes, pour origine un fait, généralement anodin, lu, vu ou entendu.
Je me propose de faire un envoi quotidien relatant, les uns après les autres, quelques uns de ces faits, insignifiants pour la plupart, illustrés par des extraits des nouvelles parues aux Éditions MaÏa sous le titre « Dans les nuages et autres nouvelles » et, pour certaines, à paraître dans un avenir que j’espère proche.
La choriste de l’opéra
C’est lors d’un concert du chœur d’Angers Nantes Opéra au théâtre Le Dôme à Saumur, que « La choriste de l’opéra » m’est venue à l’esprit. Une des 24 choristes était légèrement en décalage dans le bel alignement du chœur et j’ai imaginé que, un peu différente, il lui arrivait quelque chose de différent.
« Les lumières avaient été coupées et les choristes s’étaient tous arrêtés lorsque Florence s’était effondrée entre deux autres soprani« .
Arizona-Oregon
Lors d’une soirée chez des amis, à Gennes (Maine et Loire), j’observais, depuis le fauteuil où je m’étais assis, les personnes en train de danser. Et je me disais que la femme, lorsqu’elle danse, a la souplesse d’une liane :
« La femme est si mouvante, pensa-t-il en les regardant danser. La solitude qui lui avait été imposée rendait Bob un peu philosophe mais, ça, il ne pouvait pas le savoir. La seule chose qui comptait vraiment était son vieux Ford qu’il avait réussi à garer, en roue libre, sur le parking terreux de la boîte« .
Eva Donnelli
« Eva Donnelli » est une nouvelle qui m’a été inspirée par mes souvenirs professionnels. « Je ne vois pas pourquoi je couperais ce HMI1 » Le chef-opérateur, Georges d’Henzel, commençait, semble-t-il, à être sérieusement énervé par les caprices d’Eva Donnelli, le premier rôle de ce premier long-métrage de François Chapuis.
« Eva, explique-moi une bonne fois pour toutes pourquoi tu ne veux pas de HMI sur le plateau.
– Georges, tu sais aussi bien que moi, mieux que moi, que le HMI va ajouter du bleu dans l’image et le bleu fait ressortir les cernes sous les yeux ».
Georges sembla abasourdi : Eva avait, tout au plus vingt-cinq ans, un visage lisse comme celui d’un enfant, pas une ride, pas un cerne« .
(1.lampe aux halogénures métalliques, de la famille des lampes à arc, dont la température de couleur est très proche de la lumière du jour)
La confluence
« Ils arrivèrent à la confluence », la première phrase de « La confluence », m’est venue à l’esprit un soir après découvert la très jolie confluence de la Loire et de la Vienne , à Candes-Saint-Martin (Indre et Loire).
« Prenons à droite » dit Smiley d’un ton qui ne supposait pas la moindre discussion, ton qui irrita Lewis : « non, à gauche » répondit-il.
« Pourquoi à gauche ? Il y a des rapides, à gauche.
1
– Il y en a également, à gauche, mais ils sont moins rapides que ceux de droite », répliqua Lewis qui, à vrai dire, ignorait tout de cette rivière et de son courant« .
L’âme sœur
J’ai écrit cette nouvelle en me demandant ce que pouvait être une âme « sœur » et, surtout comment un athée pouvait rendre son âme à Dieu.
« Beaucoup pensaient qu’il était grand temps qu’il rende son âme à Dieu. Mais il ne croyait pas en Dieu : il lui fallait donc trouver à qui rendre son âme, ce qui, à l’évidence, n’était pas une mince affaire »
Le piano d’Oksana
« Le piano d’Oksana » est une nouvelle à laquelle j’ai songé au cours d’une soirée littéraire chez des amis. Pour installer un assez grand nombre de sièges, ils avaient repoussé le demie-queue, habituellement au centre du séjour, dans un coin de la pièce, isolé. Cet instrument m’a touché car je le trouvais, en quelque sorte, orphelin. « A l’évidence, le piano était désaccordé » est la première phrase de la nouvelle qui se passe en Ukraine. Heureusement, le piano de mes amis n’était pas du tout désaccordé ! « A l’évidence, le piano était désaccordé. Sergyi n’avait pas besoin d’être un spécialiste pour savoir que le piano, forcément, était désaccordé, même s’il n’avait pas trop souffert. il s’approcha de l’instrument et débarrassa, d’un ample geste de la manche, le couvercle des gravats qui le recouvraient avant de l’ouvrir, découvrant les touches d’un blanc éclatant ».
Dans la salle des pas perdus
Cette nouvelle m’est venue d’une façon un peu inattendue. J’avais juste imaginé une phrase un peu stupide : « Ils se marièrent à l’EHPAD et n’eurent pas d’enfants ». Pourquoi une action située la nuit, dans une gare déserte ? Aucune idée.
« Salle des pas perdus », il se demandait d’où venait cette expression et, en plus, il n’était pas certain qu’une telle appellation puisse s’appliquer à un hall de gare. Dans cette salle, peu de pas devaient se perdre, tant elle était petite, pensa-t-il« .
Les deux sœurs
« J‘avais embarqué de belle heure à bord du bateau des îles, cap sur Ouessant où Elsa et Camille m’attendaient » est la première phrase de cette nouvelle. Cette phrase m’est venue d’une amie très chère qui avait utilisé l’expression « de belle heure », quand elle m’avait informé qu’elle prenait le bateau des îles pour Ouessant, m’avait charmé. Tout est venu de là.
Le passeur
Pour « Le passeur », l’idée était celle d’une histoire qui se passerait sur un vieux cargo, ainsi décrit dans la nouvelle « Le rafiot était un vieux « Liberty » de 10.000 tonnes construit dans les dernières années de la guerre. Le genre de carcasse qui avait dû sillonner toutes les mers, tous les océans du globe ; commerce puis trafics divers, au gré des différents armateurs... ».
Ceci parce que mon père, travaillant dans la marine marchande, avait eu à commander de tels navires que j’avais, enfant, parfois visités.
L’inconnu du port
« L’inconnu du port » fait appel à un souvenir très ancien. Je devais avoir 15 ans, je pense, et mon frère aîné, qui en avait alors 17, avait fait un voyage comme pilotin sur un des cargos de la compagnie où travaillait mon père. C’est lui qui m’avait raconté l’épisode, que j’ai repris 60 ans plus tard :
« Allez, montre au petit ». Le docker, en souriant, ouvrit son blouson et souleva son pull. A la ceinture, il y avait trois bouteilles de Johnnie Walker« .
Le vitrier de Blahodatne
L’idée de cette nouvelle m’est venue à cause de la guerre en Ukraine. J’ai imaginé un jeune couple qui mettait tout son avenir dans son pays et dans la maison de ses rêves, qu’il voyait enfin achevée, après bien des complications.
« ils se levèrent de très bon matin pour se précipiter vers leur maison enfin terminée, enfin telle qu’ils y vivraient longtemps, longtemps.
Elle était magnifique, aussi belle qu’au premier jour. Elle était restée intacte en dépit des obus tombés dans les environs immédiats. Seules toutes les vitres avaient été soufflées« .
Les deux squelettes
« Les deux squelettes » m’a été inspirée lors d’un déplacement chez des amis. C’était en hiver, en voiture. De chaque côté de la route, deux arbres totalement dépouillés de leurs feuilles et de toute branche m’ont fait dire « on dirait des squelettes ». C’est le début de la nouvelle :
« On dirait des squelettes ». Yann s’était arrêté sur le bord de la route, quelque part dans les monts du Lyonnais« .
Étrangement, cette nouvelle me touche beaucoup car je me suis aperçu que je suis incapable de la lire à haute voix jusqu’au bout sans que ma voix s’étrangle. Hyperémotivité, sans doute.
Ottile et Günther
« Ottile et Günther » a pour origine un souvenir encore plus ancien : un histoire que m’avait racontée mon grand-père, qui avait fait la guerre de 14-18, la « der des ders » ! Le souffle d’un obus l’avait fait chuter au fond d’un trou, impact d’un tir d’artillerie et, lorsqu’il reprit ses esprits, il découvrit qu’il n’était pas seul.
« A côté de lui, à portée de main, un soldat allemand le regardait, les yeux grand ouverts. Le sergent Maillard reprit soudainement un comportement militaire : quelle tactique utiliser pour ne pas être victime de ce boche ?« .
Pour la petite histoire, mon grand-père s’appelait réellement Ottile.
Presqu’Isabelle
C’est un copain qui, finissant ses études de médecine, se retrouva interne dans un hôpital. Un week-end, il lui fut demandé de procéder à une amputation.. Constatant que rien de justifiait une telle opération, il refusa de la faire. Il m’expliqua que le seul but de cette amputation était de faire une facturation en K je ne sais combien, un gros bénéfice, rien d’autre. Glaçant !
« J’étais effondré, je vivais un cauchemar. Avant de m’évanouir à nouveau, j’eus tout juste le temps, dans un souffle, de dire « Je ne suis pas Monsieur Lefebvre » est la fin de cette nouvelle.
Retour à Lacoste
La genèse de « Retour à Lacoste » est plus triste puisque le fond de la dramatique histoire que je raconte est absolument vrai, elle a été vécue par un de mes oncles. Seul le lieu, Lacoste, petite cité du Lubéron que je connais bien, a été modifié.
« Il s’arrêta. Il ne put s’empêcher de demander ce qu’il se passait : « Encore un jeune qui fait le con en deux roues, ce n’est rien, merci de circuler ». Marc ne se fit pas prier et démarra« .
La suite reste à découvrir !
À louer
Ce court texte m’est venu, tout simplement, lors d’une balade en ville, à Saumur. Un magasin avait été fermé et seul un panneau « à louer » occupait la vitrine. J’ai imaginé que, peut-être, fermer cette boutique avait été un déchirement pour la ou les personnes qui y avaient créé un commerce :
« Derrière chaque femme se cache une histoire. Celle de Valérie avait débuté dans un enivrant bain de bonheur. Elle avait à peine trente ans lorsque sa vie, avait-elle pensé, avait vraiment commencé »
Francine et Céline
J’ai imaginé « Francine et Céline » lorsque, revenant en voiture à Saumur par Bagneux, dans la descente qui mène au Thouet, le confluent de la Loire, j’aperçus, sur le trottoir, deux femmes plutôt âgées dont une, qui marchait à l’aide d’une canne était soutenue par l’autre, un peu plus jeune, semblait-il. Je les vis entrer dans une pharmacie, avant de continuer ma route. J’eus, instantanément, la nouvelle en tête. La principale modification, pour moi, était qu’elles entreraient chez un médecin de famille plutôt que dans une pharmacie.
« Elle tenait sa grand-mère par le bras. La vieille femme avait toutes les peines du monde à se déplacer et sa canne seule ne suffisait plus à soutenir sa marche. Heureusement, il y avait Céline, sa petite fille, qui s’occupait d’elle comme si elle était sa propre mère« .
La délivrance
Cette nouvelle m’a été inspirée par une très chère amie (voir « Le deux sœurs » !) qui m’avait parlé d’une petite croisière qu’elle avait fait sur un voilier, « La Recouvrance ». M’ayant raconté qu’elle était montée dans la mature, j’ai pensé qu’une femme mature dans la mâture, était une idée de nouvelle !
« Me voici mature dans la mâture ». Cette réflexion fit naître un étrange sourire, un peu émerveillé, à Cécile. A plus de cinquante ans, elle accomplissait enfin un rêve d’enfance« .
La forte tête
C’est encore ma chère amie qui m’avait montré la photo d’un étrange objet. Elle avait pour tâche de commenter cet objet, d’en déceler les mystères. J’ai préféré démarrer une nouvelle qui, elle, n’avait pas les contraintes imposées à mon amie.
« C’était un objet assez inattendu : une sculpture qui représentait la tête d’un bébé étonnamment joufflu, une envahissante tétine à la bouche. Elle se demandait pourquoi il l’avait attirée« .
La harpe de Caro
La genèse de « La harpe de Caro » est des plus étranges. A l’issue d’un récital, j’avais échangé avec la harpiste qui avait donné ce concert. Elle m’avait expliqué que, pianiste, elle s’était mise à la harpe suite à un rêve. J’ai donc imaginé son rêve. « Sa harpe, lui sembla-t-il, voulait l’emporter de plus en plus haut comme pour lui faire découvrir l’immensité de la foule qui, en-dessous, continuait de danser en une lente ondulation« .
La Troisième
Cette nouvelle m’a été inspirée par un épisode raconté sur France Musique au cours de l’émission « Au cœur de l’orchestre » : une interprétation symphonique qui n’avait pas du tout plu à un célèbre chef d’orchestre dont j’ai oublié le nom.
« Karl se retourna pour, comme il se doit, saluer le public, ce qu’il fit sans enthousiasme. Pour lui, l’interprétation de la symphonie avait été ratée par la faute des cuivres ».
La lanterne magique
Cette nouvelle a, elle aussi, été conçue d’après un objet que je n’ai pas vu dont je n’ai su que le nom, évoqué par une amie : lanterne magique. Pour moi qui ai passé la majorité de ma vie professionnelle dans le cinéma, cela m’a, bien sûr, fait penser à l’ancêtre des projecteurs de films.
« Cette lanterne magique, cet ancêtre des projecteurs cinéma, l’avait totalement séduit. Il vouait au cinéma une passion qu’il tenait de sa grand-mère, qu’il n’avait jamais connue, mais dont on lui avait tant parlé qu’elle lui était devenue comme une amie intime, un amour hors du temps« .
La rupture
L’idée de « La rupture » m’était venue simplement du fait du double sens que pouvait contenir ce mot… La nouvelle commence ainsi :
« Il tournait et retournait l’enveloppe entre ses doigts. C’était Christel qui lui avait adressé ce courrier, sa Christel. Son ultime message, une définitive lettre de rupture, sans doute« .
La voix du père
C’est un fait divers récent, totalement incroyable, qui m’a donné l’idée de « La voix du père ». J’avais eu l’information par la radio et j’avais été vraiment abasourdi d’une telle naïveté de la part des victimes d’un escroc. La nouvelle commence ainsi : « Thomas était stupéfait. « Fais ce que Monsieur Martel te dit, fais-lui confiance, c’est grâce à lui que tu m’entends, que je te vois ». Cette voix qui semblait issue de nulle part était celle de son père« .
Le deuxième classe Travant
Cette nouvelle m’est venue à l’esprit en me remémorant une information que j’avais lue, il y a de très nombreuses années, à propos de la guerre du Vietnam et, en particulier, par le cri qu’on de guerre des GI. Je dois le préciser que mes anciens souvenirs de service militaire ont leur part dans ce récit.
« Je n’entends rien ! »
L’adjudant-chef avait, comme à son habitude, lancé la seule réplique qu’il semblât connaître. Et la section, docile, de s’époumoner.
« Tue, tue ! Mutile, mutile ! ».
Le gradé sembla satisfait »
Le restaurant de Catherine
Ce texte m’a été inspiré, tout simplement, par un dîner dans un très sympathique restaurant flottant, amarré sur le quai situé devant la mairie de Saumur. « Et pourquoi tu ne ferais pas un restaurant sur le fleuve ?
– Un restaurant sur le fleuve, c’est-à-dire ?
– Un restaurant flottant. Une sorte de ponton avec, dessus, quelques murs légers, un toit, des tables des chaises… Tu pourrais même en laisser une partie sans toit, une terrasse, en somme ».
La proposition avait beaucoup plu à Catherine qui s’était alors lancée dans les démarches administratives« .
Le sas
Cette nouvelle a été écrite suite à une conversation avec un ami comédien à qui j’expliquai que jamais je n’aurais pu jouer sur scène, tant le trac me paralyserait, et que, heureusement, j’avais trouvé ma place derrière la caméra, pas devant. « Lui, seul avec un machiniste inconnu qui ne cessait de lui dire que tout allait bien, sentait ses jambes se dérober : jamais il ne parviendrait à faire les quelques pas qui devaient le mener à la scène« .
L’enfant du ferry
L’écriture de « L’enfant du ferry » a été un peu plus facile puisque cette histoire est totalement autobiographique. Il m’a suffit d’imaginer quelques détails en ce qui concerne la traversée de la manche en ferry par un enfant d’une quinzaine d’années. Tout le reste s’est vraiment passé, y compris la fin de la nouvelle.
« Un seul garçon, le plus timide, le plus petit peut-être, resta un moment sans bouger puis se dirigea lentement vers l’avant du navire. Son objectif était la proue du paquebot mais il s’aperçut bientôt qu’elle était inaccessible, une grille fermant le pont-promenade sur lequel il s’aventurait« .
Les jours de Josette
Cette nouvelle m’a été inspirée par un épisode vécu par une de mes proches amies, une aventure dont elle se serait volontiers passée.
« Enfin, elle aperçut le visiteur, un vieillard qui croisa son regard puis continua sa lente progression vers le bureau de la directrice, au fond du couloir. Josette se pencha à nouveau sur sa machine à écrire« .
Les larmes du lieutenant Fisher
Ce texte fait suite à la nouvelle qui nous a tous bouleversés, fin 2024 : le naufrage d’une embarcation de migrants en Manche, faisant 12 morts. C’est une nouvelle relativement longue dont voici un bref extrait :
« L’homme, à nouveau, se retrancha dans un silence qui inquiéta Hassan. Après un moment qui sembla une éternité, il reprit la parole :
« Il y a plus inquiétant ».
Hassan, un peu surpris par cette soudaine confidence, regarda l’homme. Cette dernière phrase avait créé en lui une inquiétude dont il essayait, sans résultat, de se débarrasser. Il hésita un peu avant de reprendre :
« Plus inquiétant ?
– Oui, la météo » »
Les mystères d’un homme
La première phrase de « Les mystères d’un homme » m’est venue tout naturellement à la terrasse d’un café où j’avais commandé un demi de bière.
« Il regardait son demi de bière. Contempler la buée qui se formait rapidement sur le verre c’était pour lui déjà boire un peu, c’était ralentir le temps, faire une indispensable pause dans la frénésie de sa vie. Il s’attarda un instant sur une goutte de buée qui descendait paresseusement le long du verre« .
L’histoire du petit Tom
Cette nouvelle est, elle aussi autobiographique. Elle fait appel à des souvenirs d’internat lorsque j’étais très, trop jeune.
« Ce petit bonhomme, haut comme trois pommes, à la peau d’une extrême pâleur, au regard comme perdu au loin, à moins que ce ne fut à l’intérieur de lui-même, soulevait en lui (son instituteur, NDLR) une foule d’interrogations« .
Nemo
La nouvelle « Nemo » m’a été inspirée lorsque, quittant un restaurant devenu totalement silencieux après les derniers clients l’eurent déserté, je m’adressai à la serveuse en train de laver quelques verres pour lui demander quel effet ce silence soudain, lui faisait. A ma grande surprise, elle n’y avait jamais prêté attention. L’épisode avait eu lieu lors du déjeuner, je l’ai juste transcrit dans la nuit d’une fin de soirée.
« La salle était soudainement devenue silencieuse. Les derniers clients du restaurant étaient partis depuis plusieurs minutes laissant derrière eux une salle déserte et sans le moindre bruit. Delphine, penchée sur l’évier où elle lavait les quelques verres qui n’avaient pas trouvé place dans le lave-vaisselle ne s’était rendue compte de rien« .
Paul Auster
C’est, sans doute, la plus accomplie de mes nouvelles. Suite à la relecture de « La trilogie new-yorkaise », que j’avais faite après le décès de l’écrivain, j’ai eu l’idée d’écrire une nouvelle dans laquelle les lecteur de la trilogie se retrouveraient mais qui n’empêcherait pas, ceux qui ne l’avaient pas lue, de la comprendre facilement. Je suis assez fier du résultat !
« J’ai rencontré Paul Auster en 1997, à l’angle de la Cinquantième rue Ouest et de la Sixième avenue, à la sortie du Radio City Music Hall où, comme moi, il avait assisté au concert de Ringo Starr and his All-Starr Band. C’est lui qui m’avait reconnu, à ma grande surprise« .
Une fin de tournage
Cette nouvelle est liée pour moi au début de ma carrière et au souvenir du premier long métrage sur lequel j’ai été assistant de réalisation. J’y ai mis beaucoup de détails authentiques, jusqu’aux prénoms des intervenants. C’était une grande première pour moi et ce texte est, lui aussi, pratiquement autobiographique.
« La comédienne, Guillemette, seule dans le décor de salon, assise sur le canapé, immobile dans la position que le scénario lui avait imposée, regardait l’équipe technique totalement silencieuse. L’émotion était palpable et certains essuyaient discrètement la larme qui brillait au coin de leur œil« .
Je ne me souviens pas comment les nombreuses autres nouvelles me sont venues à l’esprit mais il est probable que, pour toutes ou presque, il a fallu une petite chose, un petit rien pour en déclencher l’écriture.