Entretien avec Bertrand Lagrange – Kuntz et Nortier – Le châtelain et autres enquêtes

Entretien avec Bertrand Lagrange – Kuntz et Nortier – Le châtelain et autres enquêtes

Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?

Honnêtement, plutôt stressé ! La pré-campagne a fait que ce sont surtout des proches qui ont eu la primeur de découvrir mon livre, et donc de me faire part de leurs premiers retours. Bizarrement, je ne m’étais pas trop préparé à parler de cela avec ma famille et mes amis. J’en ai seulement pris conscience au moment de la sortie du livre, pas tellement avant… Au fil des semaines, il y a tout de même eu des satisfactions. D’abord celle d’une forme d’accomplissement, après un long processus de création et de relecture. Ou encore celle issue de ces fameux premiers échanges, avec les proches, des échanges stressants mais qui m’ont aussi donné envie de continuer et de progresser dans mon travail d’écriture. Je remercie d’ailleurs toutes celles et tous ceux qui ont osé venir me parler de mon livre. Je sais que ce n’était pas forcément facile, pour eux non plus !

Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?

Pas mal d’étonnement, car je pense qu’on ne m’attendait pas trop dans le genre policier. Auparavant, j’avais surtout écrit de la poésie et de la fantasy. Ceci dit, quelques lecteurs y ont trouvé une certaine continuité, notamment la place importante de la nature, de la mer et surtout de la montagne. D’autres ont aimé le style enlevé, la variété des sujets abordés, qui font souvent réfléchir, même après avoir refermé le livre, m’a-t-on dit plusieurs fois. Pas mal d’étonnement, aussi, du fait du format des nouvelles, la plupart très courtes, à l’exception de celle qui donne son nom au recueil (Le châtelain). Du coup, un peu de frustration pour certains, car ils auraient aimé que les intrigues et les personnages soient davantage creusés et développés. Mais bon, je revendique le style très court, percutant, quasi journalistique, poétique aussi ! On m’a tout de même encouragé à faire plus long, pour le prochain livre. J’aimerais, mais il va falloir que j’apprenne à encore mieux optimiser mon temps libre…

Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?

Je me suis rendu compte que je travaille certainement de manière trop solitaire. Une relecture régulière, par d’autres que soi, c’est certes contraignant, voire agaçant, mais ça cadre et ça ouvre à pas mal d’autres perspectives. À la fois, je ne veux pas négliger le lent travail souterrain, forcément très personnel, qui me donne ensuite cette furieuse envie d’écrire ! Il faut sans doute savoir mixer les deux : inspiration et besogne… Et quand j’utilise ce terme, pour moi, ce n’est pas vraiment péjoratif. D’ailleurs, je vois de plus en plus l’écriture comme une forme de long travail artisanal, un peu besogneux, c’est vrai. Pour mes écrits, j’aime d’ailleurs m’appuyer sur de la matière que certains jugent peu littéraire, pour ne pas dire franchement vulgaire : journaux, pubs, télés, radios, descriptifs… Et je ne parle pas du web, c’est souvent tout ça à la fois !

Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?

Je dirais la forme ultra-courte, style rapport d’enquête, mais aussi la spécificité du duo d’enquêteurs, qui renverse, je l’espère, les stéréotypes du genre. Il y a aussi une volonté, de ma part, de mélanger les ambiances et les contraires : le tragique et le comique, l’absurde et le sérieux, la mer et la montagne ! Ceci dit, je m’inspire souvent de l’actualité, et c’est tout l’intérêt du policier que de la questionner. Les sujets ne manquent pas, malheureusement pourrait-on dire… Reste mon travail d’écrivain qui, autant faire se peut, consiste à donner vie à des personnages, qu’ils soient enquêteurs, criminels, victimes, ou simples passants. L’être humain, dans sa grandeur et sa petitesse, sa force et sa faiblesse, demeure mon fond de commerce, ou plutôt mon obsession, allons-y carrément !

Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?

Chez moi, comme j’imagine chez pas mal d’écrivains ayant d’autres chats à fouetter que de noircir des pages à longueur de journée, la création se loge dans les interstices d’une vie personnelle et professionnelle déjà bien remplie. Du coup, j’écris quand je peux, ici ou là : dans le tram, dans le train, ou encore à la terrasse d’un café, avant le boulot ou après… J’aime écrire sur de petits carnets, qui sont un peu le pendant des livres de poche que j’adore trimbaler un peu partout, des carnets que je remplis à la main, à l’ancienne ! Puis je retranscris tout cela sur mon petit ordinateur portable, à la maison, au calme si possible, en apportant souvent pas mal de modifications à ce moment-là. De manière générale, j’écris par phases de quelques jours à quelques mois, rarement plus pour l’instant. Avec Kuntz et Nortier, ça m’a pris sur huit mois environ, pour trente-quatre nouvelles au total. Quand j’ai des personnages en tête, j’ai tendance à avoir pas mal d’idées qui me viennent autour d’eux. Je les note, j’en abandonne certaines, j’en développe d’autres, j’en reprends, c’est assez envahissant… Les écrire, il faut bien l’avouer, c’est aussi une forme de délivrance !

Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?

Oui, oui, je suis à deux cents pour cent ! J’ai un second tome de Kuntz et Nortier qui sort très bientôt, toujours chez Maïa Éditions. Il y aurait de quoi en faire un troisième, avec deux nouvelles bien plus longues que toutes les autres. Rien que cet aspect-là, ça ferait quelques heureux ! Sinon, je continue la poésie et la fantasy, mes deux genres de prédilection. Ah oui, j’ai aussi en tête une idée de roman sur les débuts de l’escalade libre, mon autre grande passion dans la vie… Un livre qui s’inspirerait de quelques falaises et grimpeurs croisés ici ou là, mais aussi des Évangiles ! Je n’en suis qu’à l’état de projet et ça paraît un peu fou, dit comme ça, mais il y a selon moi une dimension éminemment spirituelle et prophétique dans l’escalade libre, un mélange intéressant de sacré et de profane… Bon, on verra bien où tout cela me mènera !

Bertrand Lagrange, auteur de Kuntz et Nortier – Le châtelain et autres enquêtes, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.