Entretien avec Jacqueline Montali – Un matin d’automne après la pluie

Entretien avec Jacqueline Montali – Un matin d’automne après la pluie

Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?

Quand mon livre est paru, j’ai ressenti un immense soulagement. C’était la fin d’un long voyage entrepris 3 ans auparavant ; l’arrivée au port après une traversée tantôt calme, tantôt tempétueuse. J’ai écrit ce livre en quelques semaines, puis il a somnolé dans mon ordinateur pendant 3 ans !

Mais il n’y avait pas que du soulagement. Quand ce texte endormi, a pris vie en encre et papier grâce aux éditions Maïa, j’ai ressenti un grand vide, comme le départ d’un enfant lorsqu’il quitte le foyer. M’a envahie une appréhension sournoise de lâcher mon bébé dans la nature, sans protection, loin de moi. Oui je peux comparer l’édition de ce roman, à la naissance d’un enfant. L’accouchement c’est le premier chapitre écrit dans la douleur et l‘inquiétude pour la suite. Puis les autres chapitres se succèdent les uns après les autres. Contre toute attente, le bébé grossit, prend de l’assurance et puis un jour c’est le premier départ pour l’école. A partir du moment où son enfant franchit le portail de l’école, il s’initie à l’indépendance. Quand j’ai reçu les premiers exemplaires, je savais que ce bébé ne m’appartenait plus. L’histoire que je racontais n’était plus la mienne. Elle devenait peut-être celle d’autres femmes, victimes comme mon personnage principal, d’un pervers narcissique.

Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?

Ma toute première lectrice est une amie, perdue de vue depuis des années, qui a pourtant été la première à l’acheter en pré-commande. Elle s’est étonnée de découvrir une face sombre de moi, qu’elle n’avait pas décelée. Elle s’est immédiatement attachée à mon personnage principal, cette femme aux deux vies qui par la grâce d’un suicide raté, a le privilège de pouvoir recommencer. D’abord Brigitte, la femme meurtrie, mal aimée qui décide d’en finir, puis Emmanuelle, devenue amnésique après une chute sur les rochers, qui se réjouit de la nouvelle vie s’offrant à elle. Deux de mes lectrices m’ont avoué avoir rêvé d’une amnésie salvatrice. Disparaître, juste un tout petit peu, sans la culpabilité de laisser ceux qu’on aime, puisqu’on ne se souvient de rien ni de personne.

Plusieurs de mes lecteurs de mon entourage proche, m’ont posé la question : est-ce autobiographique ? La réponse est … oui pour la petite fille de 8 ans qui est attirée dans la grange par l’infâme Maurice, adolescent brutal, un matin d’octobre après la pluie.
Mais non pour le reste ! J’ai eu la chance d’avoir un mari délicat et aimant, qui ne m’a jamais enfermée dans une cave !

Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?

C’est très mitigé, comme je le disais plus haut. Voir partir son bébé on ne sait où, seul, sans défense, ça arrache un peu le cœur. Au-delà de ça, ce livre m’a permis de mettre un point final à la thérapie engagée pour digérer puis accepter, ce viol de l’enfance. C’est très bizarre. Je n’en ai jamais parlé à personne, jusqu’à l’âge de 55 ans où j’ai enfin réussi à raconter, par écrit à un psychothérapeute, ce qui pour moi était encore indicible malgré les années.

Etrange, cette histoire : moi qui suis une adepte du journal intime depuis l’âge de 12 ans, je ne trouve aucune trace de cette agression, dans mes écrits d’enfance. Peut-être la peur qu’un proche le lise… J’avais tellement honte !

Une fois que tout a été sur le papier, sous l’œil de mon thérapeute, j’ai engagé un lent travail de pardon envers moi-même, d’abord, puis envers mon violeur, qui est devenu un vieux monsieur obèse, souffrant d’une santé fragile. J’ai encore attendu quelques années avant d’écrire ce livre, qui n’avait d’autre objectif que de révéler au monde entier, ce moment horrible qui, dans le secret de ma mémoire, m’a obligée à trimballer ma honte, pendant plus de 50 ans !

Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?

L’originalité de ce roman est que mon héroïne, enfermée dans une cave, va trouver la rédemption grâce à l’écriture. Un cahier vierge découvert dans un vieux meuble de cette cave, devient son confident. Après quelques banalités écrites pour noircir des lignes, histoire de rompre la glace entre la feuille blanche et sa main, Brigitte va plonger de plus en plus profondément dans sa mémoire retrouvée, jusqu’à déloger ce traumatisme énorme du viol, qu’elle avait enfermé dans un carton enfance heureuse. A n’ouvrir sous aucun prétexte. J’ai voulu montrer que l’écriture, c’est magique. Il n’y a pas besoin de s’appeler Balzac ou Hugo pour écrire. Se lâcher sur le papier libère la tête. N’importe qui peut le faire.

Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?

Pour ce roman, que j’avais un peu dans la tête, je me suis isolée dans un appartement du Cap d’Agde, à deux pas de la mer, en plein mois de novembre pendant une quinzaine de jours. Je me réchauffais avec des bouillottes, car cet appartement d’été n’avait pas de chauffage. J’ai écrit des journées entières. J’ai installé l’histoire au Cap, pour ancrer l’histoire dans un lieu bien réel. Après cette parenthèse, je suis rentrée chez moi et j’ai peaufiné ce que j’avais écrit. Puis j’ai laissé somnoler les fichiers dans mon ordinateur.

Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?

Bien sûr que je continue à écrire. C’est magique, je vous dis ! J’ai deux autres romans en cours, dont l’un est antérieur à Un matin d’automne après la pluie. Il s’agit de romans plus légers. L’un raconte l’histoire de 3 septuagénaires qui ont décidé d’entrer en maison de retraite où ils vont se rencontrer et vivre de belles aventures. On rit beaucoup, mais il y a aussi de la tendresse et de l’amour. L’autre est l’histoire de Kémahis Poulmenec, une femme de 50 ans abandonnée par son riche mari, qui est obligée de se mettre à travailler pour ne pas, en plus, perdre sa maison qu’elle aime tant. C’est plein d’humour et de rebondissements.

Jacqueline Montali, auteure de Un matin d’automne après la pluie, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.